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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 novembre 1833.


Les événemens politiques de cette quinzaine se réduisent à quelques faits assez nuls par eux-mêmes, mais qui se présentent à un œil observateur, comme le point noir avant l’orage. Ces faits sont le discours de M. Persil à la cour royale, celui de M. Dupin à la cour de cassation, pour la rentrée des tribunaux, la dissolution de la garde nationale de Colmar et les considérans vraiment curieux de cette ordonnance, les coalitions des ouvriers boulangers, tailleurs, charpentiers et bottiers contre leurs maîtres, les articles du Journal des Débats contre la presse et le jury, et enfin l’élection à Évreux de M. de Salvandy.

Le discours de M. Persil est bien fait pour exciter quelque sensation. Évidemment, M. Persil est jaloux de la rapide fortune de M. Thiers, dont la faveur a pris tant d’extension depuis cette séance à la chambre où il vint humblement déclarer à la tribune que toute la pensée gouvernementale résidait dans la tête du roi, et que rien ne s’était fait que par cette pensée, depuis l’établissement de la monarchie de juillet. Le métier de courtisan demande plus d’audace, plus d’impudeur, dans un gouvernement représentatif que dans une monarchie absolue. Du temps du roi Louis xiv, le duc de Lafeuillade se bornait à faire élever à ses frais, sur une place publique, une statue au grand roi, et à l’entourer de lanternes ; le duc d’Antin en était quitte pour quelques abattis de bois afin de ménager des vues pittoresques à son maître ; mais ces flatteries publiques avaient un certain caractère de noblesse et de grandeur. Les basses et viles flagorneries se faisaient dans l’intimité des cabinets et des petits appartemens. Les plus éhontés s’y livraient tout au plus dans la publicité des grands soupers et des fêtes ; mais ce n’était jamais que dans l’enceinte étroite de la cour qu’on se dépouillait de sa qualité d’homme. Pas un de ces laquais de la royauté n’eût voulu se courber aux pieds de son maître à la face de la nation. Hors de la cour, dans leurs gouvernemens, dans leurs familles, au milieu de leurs vassaux, ils avaient besoin d’honneur et de considération, et là, ils jetaient un voile sur ce qu’ils avaient dit et fait à Versailles, ainsi qu’on se plaît à oublier les turpitudes d’une orgie. Mais un courtisan de ce régime de liberté où personne n’est forcé de l’être, un flatteur