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qu’il soit maudit ; une fois, il est vrai, au milieu de ses transports, elle a cru voir briller dans son regard la flamme des damnés ; une fois le crucifix de Rachel a versé des larmes ; mais un serrement de main d’Ahasvérus lui a rendu toute sa foi. Mob essaie vainement de les désunir ; il ne lui reste plus à employer qu’un moyen. Elle est scrupuleuse, Mob ; elle aime que les amans recourent à la bénédiction nuptiale ; elle se plaît aux fiançailles et aux noces ; surtout elle prend plaisir à se placer entre deux époux dans leur couche nouvelle. « Sus donc, bel épousé ; j’entends mon cheval qui piaffe dans la cour ; c’est l’heure de la danse des morts ; charge ta fiancée sur sa croupe, et tiens-toi ferme avec elle sur les arçons. Adieu Heidelberg et son bosquet fleuri sous le balcon de l’électeur ! À Strasbourg ! à Strasbourg ! La grosse cloche de la cathédrale nous appelle. »

Une cathédrale ! c’est le résumé en pierre de la pensée, des arts, des joies, des frayeurs du moyen-âge. Le long du chœur et de la nef sont écrites en bas-reliefs toutes les histoires de la Bible et des saints. Une cathédrale ! c’est le livre toujours ouvert où chacun, seigneur ou serf, vient lire ses devoirs envers Dieu et l’Église. Ici, tout promet ou menace. Ces griffons dont la tête supporte les piliers ; ces serpens, ces colombes de marbre, qui pendent aux arceaux des voûtes ; ces salamandres et ces gorgones en mosaïque que le peuple foule aux pieds, ces évêques qui prient agenouillés sur leurs tombeaux ; ces rois chevelus, immobiles dans leurs niches ou droits sur leurs chevaux de bataille ; ici des démons de pierre qui emportent une ame pécheresse ; là, presque nue, la mort qui se glisse au chevet d’un pape : toutes ces choses, nous allons les voir, mais animées, mais mouvantes ; le marbre hennit, les vitraux frémissent, saint Marc s’effraie, Jésus-Christ parle sur son vitrail, les évêques se lèvent, les griffons glapissent, les tombeaux s’entr’ouvrent, les morts quittent les couleuvres de leurs dalles : Dansez ! dansez ! rois et reines, enfans et femmes ! Donnez-vous la main ; faites une grande ronde dans la nef ; à votre valse vous mêlez des chants : que dites-vous ? vous vous lassez d’attendre l’heure prédite ; mille ans et plus sont écoulés ; vous niez le Christ qui vous avait annoncé la résurrection. Patience ! il n’est pas temps ; voyez Mob, votre reine, qui vient avec deux compagnons. Et vous, beaux fiancés ;