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à laquelle assistaient MM. Barthe, d’Argout, Persil et Gisquet. M. Persil peut donc se consoler ; il a eu contre lui les deux premières cours du royaume, mais il emporte l’approbation de M. Barthe : victa Catoni. Le Caton de la chancellerie termina son discours en démontrant la nécessité de combattre ouvertement M. Dupin, avant qu’il fit lui-même les premières hostilités. M. Thiers, l’homme aux expédiens, approuva fort cet avis. Il rappela quelle avait été la conduite de Casimir Périer qui, dès les premiers jours de son ministère, avait nettement tranché les positions, et mis une chambre indécise dans l’alternative absolue de repousser M. Laffitte de la présidence ou de le voir porter sa démission au roi. Pour suivre autant que possible les erremens de Périer, M. Thiers proposa de porter M. Persil à la vice-présidence de la chambre, à la place de M. Bérenger. M. Persil, l’homme des partis extrêmes, condamné tout récemment dans ses actes et dans ses principes par deux arrêts, remplaçant M. Bérenger, esprit conciliant, mais attaché, par-dessus tout, à la liberté de la presse et du jury, M. Persil accolé à M. Dupin, qui vient de réfuter ses doctrines dans deux circonstances importantes, c’était là faire un coup de maître, un acte décisif, qui engagerait irrévocablement, dès les premiers jours de la session, une chambre déjà garottée par tant d’antécédens. Cette motion, ornée et appuyée de toute la faconde qui distingue M. Thiers, fut fort applaudie, et adoptée sans restriction. L’appui donné par le ministère, à la candidature de M. Salvandy était déjà un fait assez significatif ; mais, par cette nouvelle mesure, on se montre à découvert, et personne ne pourra ignorer les voies dans lesquelles on est décidé à marcher désormais. C’est la liberté de la presse et le jury qu’on se dispose à attaquer dans M. Dupin et dans M. Bérenger, deux hommes paisibles et prudens, qui cherchaient à éviter le combat, et qui espéraient vainement se soustraire, par leur modération, aux périls de la guerre ; mais la rage du pouvoir est devenue si forte qu’elle se prend à tout, et ne veut plus souffrir d’adversaires, de quelque nuance et de quelque couleur qu’ils soient.

— En attendant qu’on en finisse de la révolution de juillet, son berceau va être démoli et mis aux enchères. On lisait, il y a huit jours, sur les murs de Paris et dans les annonces des journaux « L’adjudication définitive de l’hôtel de M. Jacques Laffitte, sis à Paris, rue Laffitte, no 19, aura lieu sur une seule publication, en la chambre des Notaires de Paris, place et bâtiment du Châtelet, le mardi 14 janvier 1834, heure de midi, par le ministère de Me Aumont, en douze lots, qui pourront être réunis. » Quelques jours après, un procès devant le tribunal de première instance entre la banque de France et la liste civile, est venu révéler la cause de cette triste opération.

Me Lavaux, qui se présentait devant le tribunal pour la banque de France, demandait que M. de Montalivet, en sa qualité d’intendant général de la liste civile, fût condamné à payer une somme de 1,000,000, restant dû sur le premier terme échu de l’obligation de 6,000,000 garantie en 1830 par le roi en faveur de M. Laffitte. Me Dupin jeune, avocat de la liste civile, répondit que le roi avait cautionné M. Laffitte, il est vrai, mais que sa qualité de caution lui donnait, aux termes du code, le droit de demander la discussion préalable des biens du débiteur, c’est-à-dire, en termes intelligibles, l’expropriation de M. Laffitte et la vente de son hôtel et de toutes ses propriétés immobilières. D’après les lois, la saisie des biens ainsi ordonnée ne pouvait être faite que sur la dénonciation expresse de la caution, c’est-à-dire que le roi lui-même doit se mettre en quête, et déclarer au tribunal quels sont les biens de M. Laffitte dont il demande la discussion. Me Dupin, avocat du roi Louis-Philippe, n’a pas manqué