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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

fêtes et des banquets. Ils dirent qu’ils étaient du royaume de Neustrie, qu’ils venaient pour saluer le roi Sighebert et pour lui parler. Dans ces jours de royauté nouvelle, Sighebert était tenu de se montrer affable et de donner audience à quiconque venait réclamer de lui protection ou justice. Les Neustriens sollicitèrent un moment d’entretien à l’écart ; ce qui leur fut accordé sans peine : le couteau que chacun d’eux portait à la ceinture n’excita pas le moindre soupçon, c’était une partie du costume germanique. Pendant que le roi les écoutait avec bienveillance, ayant l’un à sa droite, et l’autre à sa gauche, ils tirèrent à la fois leur skramasax et lui en portèrent en même temps deux coups à travers les côtes. Sighebert poussa un cri et tomba mort. À ce cri le camérier du roi, Hareghisel et un Goth nommé Sighila accoururent l’épée à la main ; le premier fut tué et le second blessé par les assassins qui se défendaient avec une sorte de rage extatique. Mais d’autres hommes armés survinrent aussitôt, la chambre se remplit de monde, et les deux Neustriens assaillis de toutes parts succombèrent dans une lutte inégale[1].

À la nouvelle de ces évènemens, les Austrasiens qui faisaient le siège de Tournai se hâtèrent de plier bagage et de reprendre le chemin de leur pays. Chacun d’eux était pressé d’aller voir ce qui se passait chez lui ; car la mort imprévue du roi devait être en Austrasie le signal d’une foule de désordres, de violences et de brigandages. Cette nombreuse et redoutable armée s’écoula ainsi vers le Rhin, laissant Hilperik sans ennemi et libre de se transporter où il voudrait. Echappé à une mort presque infaillible, il quitta les murs de Tournai pour aller reprendre possession de son royaume. Le domaine de Vitry, témoin de tant d’évènemens, fut le lieu où il se rendit d’abord. Il n’y retrouva plus la brillante assemblée des Neustriens, tous étaient retournés à leurs affaires, mais seulement quelques serviteurs austrasiens qui gardaient le

  1. Cùm aliam causam se gerere simularent, utraque ei latera feriunt. At ille vociferans, atque corruens, non post multo spatio emisit spiritum : ibìque et Charegisilus cubicularius ejus conruit ; ibi et Sigila, qui quondam ex Gothia venerat… multùm laceratus est. Greg. Turon., lib. IV, pag. 230. — Adriani Valesii Rerum francic., lib. IX, pag. 61.