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sollicitait hardiment de toutes parts. L’influence de M. Adair, envoyé en Belgique par l’Angleterre, ayant paru dangereuse, on alla jusqu’à employer des moyens diplomatiques, vraiment dignes d’un ministre de Louis xv ou d’un agent de Mme Dubarry, et l’on expédia à Bruxelles une séduisante personne du nom d’Ader, dont, à l’aide d’un changement de deux voyelles, on fit une parente de l’envoyé anglais, qu’elle s’efforça, par tous les charmes de sa figure et de son esprit, d’apparenter à la France. Tout le monde, poussé vers un même but, agissait de bonne foi et avec zèle. Quelle fut la surprise de M. Bresson, dont les démarches et les assurances formelles avaient enfin décidé les députés belges à offrir la couronne au duc de Nemours, quand il vit refuser cette couronne ! On eut peine, dans la colère qui l’animait, à l’empêcher d’éclater et de faire connaître la duplicité du ministre ; et le poste d’agent diplomatique à Berlin, qui lui fut conféré peu de temps après, put à peine calmer son juste ressentiment. Toutefois on avait gagné du temps. On se mit alors à prouver à l’Angleterre qu’on était bien modeste et modéré en se bornant à ne prendre que la moitié d’un trône qu’on pouvait posséder tout entier, et l’on travailla en silence à l’élection de Léopold, après avoir exigé de lui une solennelle promesse de mariage. On n’a certainement pas oublié les orages que firent naître dans la Chambre ces longues et ténébreuses négociations, et auxquels M. Sébastiani opposa un flegme si imperturbable. Pour le petit nombre des gens bien informés, il y avait plaisir à voir M. Sébastiani gravir lentement les degrés de la tribune, et là, une main dans la poche de sa culotte et l’autre sur son cœur, déclarer au nom de l’honneur, et avec toute la franchise d’un vieux soldat, qui n’avait pas appris à mentir sur les champs de bataille, que jamais il n’avait consenti à l’élection du duc de Nemours, et que jamais non plus il n’avait été question entre le roi et lui d’aucun arrangement de famille. Pendant ce temps, le comte de Celles lisait au congrès des lettres de M. Rogier, secrétaire de l’ambassade belge, qui infirmaient tous les dires de M. Sébastiani ; et pour achever d’obscurcir l’affaire, M. Sébastiani écrivait aux journaux et niait les paroles que lui prêtaient les lettres de M. Rogier. Enfin, il est bon de vous dire que les collègues de M. Sébastiani eux-mêmes ignoraient le secret de cette négociation,