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n’avait osé tenter dans l’ivresse de la victoire, ce que la branche aînée n’aurait jamais accordé ; il a réparé la triste faute politique que Napoléon, dans ses mémoires, reprochait à l’égoïste Angleterre ; la Belgique lui appartient. Par le Hanovre, elle s’ouvre tous les débouchés au nord de l’Allemagne ; par le Portugal, tous ceux de la Péninsule. La Belgique sera à la fois sa tête de pont pour la guerre, et un second Hanovre pour inonder de ses produits le nord de la France et le midi de l’Allemagne. Hâtons-nous donc de resserrer nos lignes de douanes, de doubler le nombre de nos employés, ce ne sont plus les draps de Verviers, c’est Manchester et Birmingham, avec leur industrie perfectionnée, qui sont à nos portes.

« L’esprit de jalousie et de rivalité qui si long-temps avait animé les deux nations commençait à s’éteindre, et vous le réveillez plus fort que jamais ; il n’est pas un Français qui ne se croie humilié, joué, dupé. Qui ne voit avec une douleur profonde que nous abandonnons ces champs où dorment les héros de Fleurus, de Jemmapes et de Waterloo ; ce beau pays qui, conquis par la victoire, réuni par les lois et l’assentiment des deux peuples, fut si long-temps à la France ! Une sage politique, et c’était celle de nos pères, cherchait à placer de petits états intermédiaires entre les grands états ; on évitait ainsi tout choc, tout prétexte de collision, et vous, non contens d’avoir les Prussiens à nos portes, vous faites franchir les mers à l’Angleterre pour lui livrer une partie de nos Gaules ! Ministres imprudens, les leçons du passé ne sont donc rien pour vous ? Ne savez-vous pas que trois cents ans de guerre et de calamités furent la suite de l’abandon de la Guyenne à l’Angleterre ? Les noms de Crecy, de Poitiers, d’Azincourt, sont-ils effacés de votre mémoire ? Croyez-vous que, placé à Bruxelles, un prince anglais ne soit pas plus dangereux pour Paris que lorsque, dans le xiiie siècle, il régnait à Bordeaux ? Ah ! des torrens de sang anglais et français couleront peut-être un jour pour effacer la faute que vous commettez en ce moment ! Mais vous prétendez nous offrir quelques dédommagemens, quelques compensations. Voyons, expliquons-nous avec franchise, et ne cherchons pas à abuser la nation par des promesses qu’on ne pourrait tenir. » Abordant la question de la dé-