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REVUE DES DEUX MONDES.

On voudrait le voir condenser les faits, rapprocher les évènemens, faire mouvoir avec plus de vigueur ses personnages, jeter du coloris sur ses tableaux, et donner à toutes ces guerres civiles, à toutes ces divisions, à toutes ces luttes dont il connaît si bien la marche, tout l’effet pittoresque dont elles sont susceptibles. Enfin, il serait vivement à souhaiter qu’il ne dédaignât pas d’entrer dans la peinture des mœurs et des coutumes aux diverses époques dont il retrace l’histoire. Lui qui nous a révélé dans ses Hohenstaufen tant de choses curieuses sur les mœurs, les lois, les habitudes domestiques, l’état de la société au moyen-âge, n’aurait-il pas aussi nombre de détails intéressans à nous donner sur les mœurs des xvie, xviie et même xviiie siècles ?

Toutes ces observations, au reste, tiennent plutôt à la forme qu’au fond même du livre ; et, à supposer qu’elles indiquent une lacune, on l’oubliera bientôt dès que l’on sera entré plus avant dans l’esprit même de l’ouvrage, qui porte un caractère de gravité et de dignité en harmonie avec les hauts sujets qu’il traite ; et cette Histoire d’Europe doit être prise, nous le croyons, comme un ouvrage d’un travail et d’un savoir prodigieux, comme un de ces livres d’histoire, exacts, consciencieux, écrits à force de temps, de recherches, d’études, et qui deviennent bien rares de nos jours.


SPAZIERGÄNGE EINES WIENES POETEN. — PROMENADES D’UN POÈTE DE VIENNE.

Voici un livre qui a fait du bruit en Allemagne, et qui méritait d’en faire par le talent qui y règne, et le ton d’opposition libérale qui en forme la base. L’auteur a cru devoir garder l’anonyme, et c’est chose prudente dans un pays comme l’Autriche, où le pauvre Grillparzer expie encore chaque jour, sous le fardeau de ses monotones fonctions, le malheur d’avoir montré du génie poétique. Et puis, il ne s’agit pas dans cet ouvrage d’élégies d’amour et de mélancoliques rêveries, de soupirs et de billets doux, innocente distraction que la censure autrichienne, la plus revêche de toutes les censures, pourrait sans remords laisser passer. Non, le poète viennois est un homme d’une trempe forte et énergique, qui d’une main robuste vient de tendre l’arc dont parle Moore, et en lance les traits contre tous ceux qui ordonnent ou soutiennent l’esclavage intellectuel de son pays. Les vers ne sont pas pour lui ces sons harmonieux propres à endormir un chagrin, ou à caresser l’oreille d’une femme ; les vers ne doivent être que l’instrument dont il se sert pour remplir sa mission.

« Chacun combat, dit-il, avec ses propres armes ; le prêtre avec le bréviaire, le guerrier avec la lance, et nous, poètes, avec nos chants. »