siffler la liberté sur la scène, et tel autre, qui, dans la forme, s’était fait le champion des idées nouvelles, était resté, au fond, le partisan des idées anciennes, et n’oubliait pas de brûler chaque matin son grain d’encens, vers ou prose, sur les autels de la légitimité. Chose curieuse et pourtant naturelle : il est si rare que l’on fasse tout d’un coup le tour d’une idée ! Et puis, la liberté ressemble si souvent à la licence, le pouvoir singe si bien le despotisme, qu’on est toujours prêt à calomnier l’une et à médire de l’autre, pour peu qu’on ait intérêt à se tromper. Et puis encore, incessamment ballotté d’un souvenir à une espérance, il est aussi impossible à l’homme de renier le passé que de nier l’avenir. Et puis enfin, entre ces deux grandes choses, pouvoir et liberté, foi et science, unité et variété, traditions et progrès, quelques noms qu’on leur donne, il y a bien différence, succession, développement, mais non pas contradiction ; et quand l’opposition existe, lorsque la guerre éclate, c’est dans les passions des hommes qu’il faut en chercher la cause, c’est à leurs intérêts qu’on doit s’en prendre. Aussi, là où ces intérêts ne sont plus, dès que ces passions s’affaiblissent, le principe méconnu prend sa revanche, et la réaction est d’autant plus grande que la lutte était plus vive ; et par exemple, à l’époque dont nous parlons, le libéral était classique, et le romantique était légitimiste : règle générale qui souffrait peu d’exceptions.
Mais, divisés par un principe, un sentiment commun les réunissait, sans qu’ils le sussent : la nationalité. En effet, si les libéraux étaient demeurés légitimistes en littérature, c’était par un respect patriotique pour nos gloires littéraires ; et si leurs adversaires étaient déjà libéraux en fait d’art, ils n’en consacraient pas moins dans leurs œuvres les souvenirs classiques de notre patrie et la légitimité de nos gloires nationales. Ceci n’était pas seulement remarquable dans le choix de leurs sujets comme poètes, mais encore pour quelques-uns dans le hasard de leur naissance comme hommes. Rappelez-vous le camp de la nouvelle école : des quatre grands noms, Lamartine, de Vigny, Hugo, Dumas, qui dominaient la foule, comme les panaches d’autant de généraux, deux remontaient à l’ancien régime par la restauration, deux descendaient de la révolution par l’empire. — Congrès littéraire où toutes nos traditions avaient un organe, toutes nos gloires un représentant !