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LITTÉRATURE ANGLAISE.

sur lequel il discourt. Son esprit est prompt et infatigable ; son ironie est perçante comme l’acide nitrique, et elle poursuit la victime jusqu’au tombeau. La promptitude de sa conception et l’immensité de ses connaissances le rendent impatient et colère ; il n’a point de compassion pour les esprits obtus ; il aime à atteindre le but d’un seul bond, et prend en pitié les autres qui marchent quand il court. La conviction qu’il a de la puissance de son génie, et son mépris pour celui des autres, font de lui un assez mauvais critique. Il aimait autrefois à prophétiser en politique, et à prévoir le sort des nations ; les évènemens n’ont pas toujours répondu à ses prévisions. Il entra sur la scène littéraire plutôt comme un partisan que comme un juge ; il disséquait les ouvrages, non pour les corriger, mais pour s’en moquer ; au lieu d’une opinion raisonnée, il lançait un sarcasme, et maniait l’ironie lorsqu’il aurait dû parler avec douceur, indulgence et bon sens.


Sidney Smith a été long-temps un de ces critiques sévères qui aiment à tourmenter les nourrissons des Muses. Son esprit et son savoir lui donnent le droit de trancher les questions difficiles, mais nous sommes loin d’admirer la manière dont plusieurs de ses commentaires sont écrits, et de croire qu’il appartienne à un ecclésiastique de lancer l’arme si dangereuse du sarcasme et de l’ironie. Certes de grands talens ont brillé dans la carrière de la critique ; mais nous pensons que ceux qui se sont voués à ce genre de littérature se sont mis dans l’impossibilité de se faire un nom eux-mêmes, et nous voyons en effet que les critiques qui ont essayé de composer, soit en vers soit en prose, ont généralement échoué.


Sir James Mackintosh était plus modéré, ses connaissances étaient variées, et l’histoire de notre littérature lui était familière. Il écrivit ces admirables recherches sur la littérature anglaise qui ont soutenu la gloire, alors pâlissante, de l’Edinburgh. Il préférait la discussion à la critique, et s’occupait rarement de questions personnelles ; il aimait à tracer de magnifiques théories, et, excepté à l’occasion du récit de Lingard sur la Saint-Barthélemy, il descendit rarement à de minutieux détails. Si parfois le bout de son aile effleurait le sol de la critique moqueuse, il s’en arrachait bientôt pour planer dans des régions plus élevées.


William Hazlitt offrait un singulier mélange de sagacité dans ses réflexions et de singularité dans ses opinions : il savait beaucoup ; il était connaisseur habile dans les arts ; en littérature, son goût était sûr ; son œil perçait à travers l’écorce jusqu’au cœur de l’œuvre qu’il analysait. Il aimait la bizarrerie, et cela fit tort à sa gloire ; son esprit de parti le mit en hostilité avec des hommes qui maniaient des leviers assez puissans