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LITTÉRATURE ANGLAISE.

Nous nous détachons de sa cause, jusqu’au moment où, écrasé par la conspiration de tous les trônes, il est condamné à un exil qu’il ne peut supporter, rompt son ban, s’entoure de ses vieux camarades, tente avec eux un dernier effort désespéré, et succombe enfin sur le champ de bataille de Waterloo, laissant la victoire aux théories de l’arbitraire et du pouvoir divin ; victoire inutile, comme les derniers évènemens sont venus nous l’apprendre.

Au moment où Walter Scott publia cette histoire, toute la colère de l’Europe était soulevée contre Bonaparte ; nos sœurs et nos mères étaient en deuil ; nos blessures saignaient, les ruines des villes et des campagnes étaient là sous nos yeux ; partisan de l’antique noblesse et du droit féodal, patriote ardent, Walter Scott ne devait pas traiter avec toute justice l’homme qui voulait faire régner le talent à la place de la naissance et de la fortune, l’homme qui aurait accompli son grand dessein, s’il n’avait pas abusé de l’arbitraire. Cependant on trouve beaucoup moins de partialité qu’on n’aurait pu le présumer dans l’appréciation de Walter Scott ; bien du temps se passera avant que l’on publie un récit plus fidèle, plus brillant, plus grandiose de cette tragique destinée.


William Roscoe a été diversement apprécié ; quelques critiques, entre autres Gifford[1], ont singulièrement rabaissé son talent d’historien. Les tories du Quaterly Review le traitèrent sans ménagement ; mais en revanche les whigs de l’Edinburgh Review le défendirent à outrance : triste effet de l’esprit de parti qui pénètre jusque dans la littérature, et qui ne permet pas même à la critique des œuvres intellectuelles la justice et l’équité.

« Trop estimée à sa première apparition, dit le critique que nous venons de citer, l’histoire de Lorenzo de Médicis n’est pas indigne d’occuper une place dans nos bibliothèques. On y trouve de l’affectation et de la froideur, de la prétention et de l’élégance, des vignettes et de grandes marges, de la prose et des vers, de l’italien et de l’anglais, de la monotonie et du savoir. Le grand ouvrage du même auteur, l’Histoire de Léon x, est loin de s’élever au niveau de son premier essai. Quoique le génie ne l’eût pas empreint de sa marque énergique et ardente, il était impossible de regarder cet ouvrage comme une composition correcte et élégante. On ne fit pas grande attention aux défauts réels de l’ouvrage. L’ennui qu’il inspirait étendait sur lui son aile protectrice. La réputation de M. Roscoe se conserva donc intacte, grace au peu de lecteurs qui s’avisèrent de le consulter. »

  1. Voyez ce que nous avons déjà dit de Gifford.