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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/236

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REVUE DES DEUX MONDES.

Tous les élémens de civilisation que le gouvernement turc a laissé germer dans l’empire ottoman, toutes les vertus privées que M. de Lamartine a reconnues parmi les Turcs, et auxquelles, ainsi que tant d’autres voyageurs, il se plaît à rendre justice, disparaîtraient en peu de temps sous le sabre des Arabes. Il faut avoir remonté le Nil et vu les misérables habitans des campagnes de l’Égypte forcés de vendre à vil prix au pacha le produit du champ qu’ils cultivent, pour se faire une idée de l’avilissement de ce peuple. Quoi qu’il en soit, le pacha est l’allié de la France, et c’est la France qu’on exclut du partage possible de l’Orient, par le traité en question. L’adhésion donnée publiquement par M. de Broglie à la protestation de M. Bignon, contre la non-exécution des traités de 1815, lui avait été certainement arrachée par cet acte si hostile à la France.

L’humeur de M. de Broglie, son juste mécontentement devons-nous dire, et le besoin qu’il éprouvait de s’épancher devant les chambres, tenaient encore à une autre cause.

On connaît maintenant le motif des mésintelligences qui se sont élevées entre la France et le roi de Suède. Les hommes politiques et surtout ceux qui ont eu des rapports avec le roi Charles-Jean, se refusaient à croire que l’éloignement qu’il montrait depuis quelque temps pour le gouvernement français, tenait à une cause aussi pitoyable que la représentation d’un vaudeville offensant pour lui. Le doigt de la Russie se montre encore dans cette affaire. La Russie, qui se retrouve partout faisant des traités secrets défavorables à la France, n’a pas laissé ses diplomates inactifs à Stockholm. Prévoyant le cas d’une guerre soit avec l’Angleterre soit avec la France, et peut-être avec ces deux puissances ensemble, le cabinet russe s’est déjà assuré, par son traité avec la Turquie, contre l’entrée d’une flotte dans la mer Noire. On sait aujourd’hui qu’un des articles de ce traité confie aux Russes la défense des Dardanelles, et oblige les Turcs à fermer le canal de Constantinople aux vaisseaux de guerre de toutes les puissances. Tranquille du côté d’Odessa et du midi de la Russie, l’empereur Nicolas a voulu se donner une sécurité pareille dans la Baltique, et se délivrer de toute inquiétude pour Cronstadt et Pétersbourg. Or, la Suède tient la clé du détroit du Sund, comme la Russie tient la clé des Dardanelles, et il fallait à tout prix mettre une main sur le roi Charles-Jean, tandis qu’on étendait l’autre sur Mahmoud. On assure qu’un traité secret signé entre la Suède et la Russie renforce et renouvelle le casus fœderis qui existait entre ces deux puissances, et que la rupture des liaisons amicales qui attachaient la Suède à la France, depuis et avant le traité de Westphalie, est une des premières conditions de ce contrat.

Qu’on relise maintenant les paroles de M. de Broglie, qu’on pèse les