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LITTÉRATURE ANGLAISE.

agréable, et le résumé de chaque portrait littéraire si exact, que les Vies des Romanciers se placent naturellement, dans nos bibliothèques, à côté des Vies des Poètes.


Le chef-d’œuvre de la biographie moderne est, selon moi, la Vie de Nelson, par Southey ; c’est quelque chose d’harmonieux, de complet, de bien proportionné, d’achevé dans toutes ses parties ; un modèle véritable pour quiconque espère se faire un nom dans ce genre. Un art invisible a présidé à l’accomplissement de cette belle œuvre. Le héros de Southey n’est pas un Charles Grandisson, un homme ennuyeusement parfait et parfaitement ennuyeux. Il a ses taches et ses défauts, dont Southey parle avec une noble compassion, qui fait ressortir encore l’enthousiasme que lui inspire la mâle beauté de cette nature héroïque.

La Vie de Wesley n’est guère inférieure à l’ouvrage que nous venons de citer. Le biographe a reproduit avec chaleur la longue et intéressante lutte de cet homme, semant la parole de l’Évangile au milieu de gens grossiers et pleins de vices ; son courage admirable, ses travaux persévérans, son éloquence, ses hautes entreprises, sa longue croisade en faveur de la religion ; tout cela, raconté avec l’intérêt du roman et la simplicité de l’histoire.

Nous placerons presque sur la même ligne la Vie de Kirke et celle de Jean Bunyan, le chaudronnier-poète, l’auteur de l’inimitable Voyage du Pèlerin. Dans ce dernier ouvrage, Southey semble avoir emprunté à Bunyan lui-même sa verve ingénue et sa vigueur de pinceau. On dit qu’il s’occupe maintenant d’une Histoire complète des Amiraux de la Grande-Bretagne ; tâche bien digne de son génie.


Citons Jean Gibson Lockhart, qui a donné une Vie de Burns, excellente et digne d’être lue même après celle de Currie ; Patrick Fraser Tytler, auteur des Vies des hommes célèbres d’Écosse, ouvrage peut-être incomplet (la Calédonie compte plus d’un fils aussi justement célèbre que ceux dont il s’est occupé), et de la Vie de Raleigh, écrite sur les lieux mêmes qui furent témoins de l’enfance du grand homme, et pleine de fraîcheur, de force et de grace ; Leigh Hunt, Galt et Thomas Moore, qui, tous trois, ont écrit la Vie de lord Byron.

Le monde a reproché à Leigh Hunt la liberté avec laquelle il a traité la mémoire de lord Byron : cette conduite a paru d’autant plus déplacée, que le biographe avait contracté envers son héros des obligations pécuniaires. En effet, il n’était pas de bon goût d’attendre la mort du poète pour venir lui reprocher toutes ses fautes, et le public, qui lui-même avait été si souvent injuste envers Byron, pardonna difficilement à Hunt une offense dont lui-même s’était rendu coupable.