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SATIRICON.

Et vous avez tué ! Votre perversité
A toujours méconnu la douce charité.
Vous avez oublié qu’au temple, sur la terre,
Je pardonnai jadis à la femme adultère ;
Vous avez été durs, inflexibles, glacés,
Et vous avez marché sur des cœurs terrassés,
Exigeant la vertu dans vos terrestres fanges,
Quand mon père a trouvé le vice chez ses anges.
Et pourtant je le dis et répète en ce jour,
Docteurs, la loi nouvelle est une loi d’amour.
Un homme cependant, mon grand Vincent de Paule,
A suivi l’Évangile et compris ma parole ;
Aussi je vous le dis, serein et radieux,
Il voit incessamment mon père dans les cieux ;
Et s’il n’était pour vous tout le jour en prière,
Maudits, vous seriez tous rentrés dans la poussière,
Car je vous le répète, ô docteurs, en ce jour
La première vertu des chrétiens, c’est l’amour !

Ô toi, crucifié, qui reçus sur la terre,
Par la main des Hébreux, une mort volontaire,
Pardonne si le feu de l’indignation
M’inspire ce discours et cette fiction.
Le monde, hélas ! depuis le temps des paraboles,
N’eut jamais plus besoin de tes saintes paroles.
Tout homme règne ici, plus d’ordre ni de rangs,
Et la terre de France est pleine de tyrans,
Et d’insensés qui vont pressant ton cœur de père
Pour en faire sortir et l’épée et la guerre.
Toi seul peux les confondre, ô sacré rédempteur !
Car toi seul es le maître et le révélateur ;
Toi seul, divin Jésus, de sa fange profonde,
Une seconde fois, tu peux tirer le monde ;
Car toi seul apportas la sainte Égalité
En apportant l’amour avec la charité.


Antoni Deschamps.