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niques et amères. L’auteur fut désigné comme un ennemi de la foi catholique, comme un calomniateur effronté de Dante.

Ces restrictions que l’auteur mit à son commentaire, ainsi que les reproches injurieux qu’elles lui attirèrent, lui firent faire de nouvelles études, des recherches plus profondes, afin de s’assurer s’il n’était pas dans l’erreur ; et lorsque enfin ces derniers travaux eurent affermi sa conviction, il écrivit le livre dont nous allons essayer de donner une idée.

L’auteur fournit d’abord, par de nombreuses citations tirées de l’Apocalypse, puis des lettres, mandemens et autres écrits de dignitaires de l’église, la preuve que jusqu’au xie siècle, où parut en Italie la secte des Patarini, Bulgari, connue plus tard en France sous le nom d’Albigeois, on se gênait si peu avec les papes et la cour de Rome, qu’on les désignait ouvertement par les mots de loup et de louve, par les sobriquets de satan et de règne visible de satan sur la terre.

La secte des Patarini, ou Albigeois, s’était tellement accrue en Europe, et elle menaçait le saint-siége avec tant de hardiesse, que les pontifes furent forcés de sévir contre elle. Dès que cette secte fut persécutée, de patente qu’elle avait été jusque-là, elle devint secrète. Elle eut des signes pour que ses adeptes pussent se reconnaître, et l’on adopta un langage figuré et apocalyptique pour correspondre et converser sans être compris. On rapporte, à ce sujet, une lettre citée par l’historien Mathieu Paris, où un déserteur de la secte, un certain Ivon de Narbonne, écrit à l’archevêque de Bordeaux (1243) : « Qu’ayant été poursuivi dans son pays comme Albigeois, il alla en Italie, à Cosme, où il fut reçu amicalement et avec générosité par des co-sectaires auxquels il se fit reconnaître ; qu’il leur promit sur serment de prêcher partout leur doctrine, afin de persuader à tous que la foi de Pierre, c’est-à-dire du pape, ne peut mener au salut ; que ces co-sectaires avaient des communautés bien régulières et des évêques pour les diriger ; que lui, Ivon, apprit d’eux beaucoup de choses touchant les affaires de la secte, et notamment sur l’envoi qu’elle faisait, à ses frais, d’élèves intelligens, choisis en Toscane et en Lombardie, afin qu’ils allassent apprendre à Paris l’art de se servir des subtilités de la logique et de la théologie ; que des sectaires commerçans parcouraient les foires et