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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

papiste enfin, le temps où les Patarini ou Albigeois se répandirent en Italie.

Ces hérétiques, venus originairement, dit-on, de Bulgarie, étaient particulièrement accusés de manichéisme. Leur première apparition constatée en Italie date de 1176, époque qui coïncide avec celle où la langue et les poésies provençales étaient devenues familières dans toute la péninsule. Alors tous ceux qui se rattachaient aux intérêts de l’église et du saint-siège, par conséquent tous les gens qui prenaient part directe ou indirecte au pouvoir en Italie, écrivaient et parlaient latin. La secte des Patarini, au contraire, intéressée à faire des prosélytes dans le bas peuple, eut recours au langage vulgaire, et les gens influens et lettrés qui voulaient s’opposer au papisme, s’appliquèrent à composer des ouvrages en provençal, et bientôt après en italien pour donner une nouvelle langue au nouveau peuple qu’ils voulaient former en Italie ; en sorte que l’Italie était divisée en deux partis, les Guelfes ou partisans du pape, qui parlaient latin, et les Gibelins ou partisans de l’empereur et de la monarchie, s’exprimant de préférence en langue vulgaire.

C’est dans cette disposition politique et littéraire qu’était l’Italie lorsque la langue de Dante, de Pétrarque et de Boccace, celle que l’on y parle encore aujourd’hui, prit naissance et se perfectionna.

Cette apparition presque subite d’une langue dont il n’y a nulle trace avant la fin du xie siècle, est un phénomène qui a singulièrement exercé les recherches des philosophes et des lettrés ; mais ce qui ne mérite pas moins d’attention de leur part, c’est l’étrange appareil poétique qui a servi constamment de charpente ou de cadre à la plupart des compositions qui ont été faites depuis les chansons et les sonnets de l’empereur Frédéric ii, de Pierre Delavigne son chancelier, de Jacomo da Lentino, de Guido Guinizzelli et de plusieurs autres, jusqu’aux poèmes et écrits de Dante, de Pétrarque et de Boccace, je veux dire cet amour dégagé de toute pensée mondaine, ayant pour objet un être féminin dont l’existence est à peine prouvée, et qui sert d’intermédiaire entre l’être aimant et la divinité, pour parvenir au souverain bien.

Toute la poésie italienne, depuis son origine vers 1200, jusqu’à