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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/405

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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

comme mon intention est de ne rien insérer dans ce présent livre qui ne soit en langue vulgaire (langue des Gibelins), et qu’en agissant ainsi, je remplis d’ailleurs les intentions de mon principal ami (Guido Cavalcanti, poète gibelin), je ne donnerai donc pas ma lettre latine. » Toutefois ce passage de la Vita nuova est accompagné de ces paroles latines tirées de Jérémie : Quomodo sola sedet civitas plena populo ? facta est quasi vidua domina gentium.

La mort de Béatrice coïncide, selon M. Rossetti, avec celles de l’empereur Henri vii et du pape Clément v (1313-1314). Dante, à l’occasion de ce dernier événement, et pour engager le clergé à ramener le saint-siège d’Avignon à Rome, écrivit une lettre latine aux cardinaux italiens qu’il surnomma, selon les formules de flatterie en usage alors, princes de la terre et du monde. Il accompagna même cette lettre de l’épigraphe tirée de Jérémie : Quomodo sola sedet civitas, etc. Cette condescendance pour les hommes guelfes, cette formule qu’on leur accordait par flatterie, ce titre qu’on leur disputait effectivement, indisposèrent le parti gibelin contre Dante, qui ne tarda pas à se reprocher à lui-même cette faiblesse. D’après les idées de M. Rossetti, tous les péchés dont s’accuse Dante dans ses poèmes se borneraient à cette faute ; la mort de Béatrice ne serait qu’un emblème de la colère de ses co-sectaires contre lui, et enfin les interrogations impérieuses de Béatrice au 31e chant du Purgatoire, ainsi que l’aveu si vague que Dante y fait de sa faute, auraient pour motif cette déviation apparente du poète gibelin vers le parti guelfe. Enfin, le dernier vers du morceau cité : da TAL giudice sassi, deviendrait une confirmation matérielle de ce que le commentateur avance, puisque, comme on l’a déjà dit, TAL est un signe conventionnel qui enferme les initiales de Teutonico, Arrigo, Lucemburghese, l’empereur Henri vii, qui était le grand juge dans cette affaire.

J’ai rapporté fidèlement l’opinion de M. Rossetti sur ce morceau de Dante. Cependant je dois avertir ce critique et les lecteurs qu’il y a abus et erreur dans le rapprochement des dates. Ainsi Henri vii est mort empoisonné avec une hostie, en 1313, et le pape Clément v a quitté le monde l’année suivante. Dante, né en 1265, avait 47 ou 48 ans vers 1314. Or, Boccace, dans la vie de Dante, qu’il a écrite, dit que ce poète, précisément contemporain