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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

l’un à la cour, l’autre chez l’hôtellier, grandissent, se forment. Urbano va à la cour impériale, et malgré l’obscurité de sa naissance, contracte une étroite amitié avec Speculo. Ils s’aiment comme des frères, et leur familiarité devient si grande, que l’hôtellier se croit obligé d’en faire reproche à Urbano, qui se résout à servir le public dans l’auberge, ce qu’il continue de faire jusqu’à ce qu’il ait atteint, ainsi que Speculo, l’âge de 14 ans.

« Il arrive alors que trois frères florentins, commerçans, viennent dans l’auberge. L’aîné, Blandizio, frappé de la ressemblance d’Urbano avec le fils de l’empereur, Speculo, propose à ses frères de profiter de cette circonstance pour mettre à fin une entreprise importante. « Vous savez, leur dit-il, que le grand soudan de Babylone (le pape), par fierté ou par avarice, ne paie pas le tribut qu’il doit, et qu’il est d’usage d’envoyer à Rome ; que, malgré les fréquentes sollicitations de notre empereur, il ne se départ pas de son refus obstiné, ce qui va donner lieu à une guerre terrible entre ces deux souverains. Si je ne me trompe, ajoute le frère, le soudan craint les résultats de cette guerre et désire d’entrer en conciliation avec l’empereur de Rome. Faisons donc prendre à Urbano des habits semblables à ceux de Speculo, pour lui faire porter une fausse paix à Babylone, et tirer, par ce moyen, des mains du soudan, un bon cadeau. » Le projet est adopté par les deux autres frères, et Urbano se prête à son exécution. On s’embarque à Genova (terre nouvelle). Pendant la traversée, Blandizio apprend à Urbano que le soudan de Babylone a une fille, et il s’efforce, avec ses frères, d’engager le jeune ambassadeur à l’épouser. Urbano, qui n’est pas la dupe du projet des trois Florentins, ni des caresses qu’ils lui font, profite de leur zèle intéressé pour faire le voyage et aller, comme il le désire, secrètement à la cour du soudan. Urbano est reçu comme le fils légitime de l’empereur. Il y trouve la fille du soudan, Lucrezia, dont il demande la main, qui lui est accordée avec empressement. Or Lucrezia, tendrement aimée de son père et de sa mère, dit Boccace, avait près de quinze ans et paraissait non une chose humaine, mais divine, tout nouvellement descendue du paradis. Entre autres mérites, elle avait celui de travailler merveilleusement de ses mains, ce qui faisait qu’il n’était question que d’elle dans tout le pays. Le