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ANCIENNE LITTÉRATURE ITALIENNE.

mentateur sur le sens politique qu’il attribue exclusivement à leurs ouvrages. Ce sont, d’une part, la lettre sans titre, Epistola sine titulo, de Pétrarque ; de l’autre, le livre de la monarchie, de Monarchia, de Dante. On peut facilement se convaincre qu’il est impossible d’aller plus loin, en matière de reproches et même d’injures, que ne l’a fait Pétrarque dans sa Lettre sans titre, à l’égard des souverains pontifes et des cardinaux de son temps. Diderot lui-même, dans ses saillies les plus vives contre les prêtres, n’en a pas dit beaucoup plus. Or cette diatribe virulente, ainsi que plusieurs autres lettres non moins acerbes du chantre de Laure, sont écrites en latin, que tous les gens bien élevés de cette époque entendaient et écrivaient couramment. Pourquoi donc, puisque Pétrarque avait la faculté de se mettre si bien à son aise à l’égard des papes, dans sa prose latine, se serait-il cru obligé d’employer un jargon indéchiffrable, pour traiter le même sujet en langue vulgaire ? Et par quelle raison l’inquisition, qui avait fait brûler Cecco d’Ascoli pour avoir dit des vérités ou des injures toutes semblables dans son poème de l’Acerba, écrit en italien, a-t-elle ménagé Pétrarque, qui l’avait offensée en latin, qu’elle et tant d’autres entendaient si bien ?

Je ferai les mêmes questions au sujet de Dante et de son livre de la Monarchie. Dans cet ouvrage, Alighieri traite ouvertement et philosophiquement la question de savoir si la puissance impériale relève du pape ou de Dieu ; et, après avoir fait une distinction tout aussi précise et aussi rigoureuse que l’on pourrait l’établir aujourd’hui, entre la puissance spirituelle et la temporelle, il conclut que l’autorité de l’empereur relève immédiatement et exclusivement de Dieu. Encore une fois, je le demande, si, vers 1313, en Italie et sous les foudres du Vatican, Dante avait la faculté de se déclarer hautement antipapiste et de s’expliquer, comme il l’a fait, d’une manière rigoureusement philosophique sur cette question, pourquoi a-t-il pris tant de peine toute sa vie à dresser une énorme charpente allégorique sur laquelle il aurait plaqué des rébus, des énigmes, et toute une langue hiéroglyphique, dont le sens total, dont le dernier mot enfin, se trouverait dans sa lettre à Can-le-Grand ou dans son livre de la Monarchie ?

Malgré la force de ces objections que je transmets avec la même