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REVUE DES DEUX MONDES.

SPARK.

Bois donc, désœuvré, au lieu de te creuser la tête.

FANTASIO.

Il n’y a qu’une chose qui m’ait amusé depuis trois jours : c’est que mes créanciers ont obtenu un arrêt contre moi, et que si je mets les pieds dans ma maison, il va arriver quatre estafiers qui me prendront au collet.

SPARK.

Voilà qui est fort gai en effet. Où coucheras-tu ce soir ?

FANTASIO.

Chez la première venue. Te figures-tu que mes meubles se vendent demain matin ? Nous en achèterons quelques-uns, n’est-ce pas ?

SPARK.

Manques-tu d’argent, Henri ? Veux-tu ma bourse ?

FANTASIO.

Imbécile ! Si je n’avais pas d’argent, je n’aurais pas de dettes. J’ai envie de prendre pour maîtresse une fille d’Opéra.

SPARK.

Cela t’ennuiera à périr.

FANTASIO.

Pas du tout ; mon imagination se remplira de pirouettes, et de souliers de satin blanc ; il y aura un gant à moi sur la banquette du balcon depuis le premier janvier jusqu’à la Saint-Sylvestre, et je fredonnerai des solos de clarinette dans mes rêves, en attendant que je meure d’une indigestion de fraises dans les bras de ma bien-aimée. Remarques-tu une chose, Spark ? c’est que nous n’avons point d’état ; nous n’exerçons aucune profession.

SPARK.

C’est là ce qui t’attriste ?

FANTASIO.

Il n’y a point de maître d’armes mélancolique.

SPARK.

Tu me fais l’effet d’être revenu de tout.

FANTASIO.

Ah ! pour être revenu de tout, mon ami, il faut être allé dans bien des endroits.