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LITTÉRATURE FRANÇAISE.

dans quelque idiome qui s’éteint, ni toute cette poésie chansonnière, muse indigène qui traverse gaiement notre histoire ; les noëls satiriques, les couplets frondeurs, à commencer par ceux de la Menippée, où s’épanchait la veine railleuse de nos pères, et à finir par ceux qu’a empreints d’une verve si forte et d’un sentiment si élevé le poète de la liberté, de la gloire, pour tout dire en un mot, le poète du peuple, Béranger.

Notre richesse dramatique est celle à laquelle on a le mieux rendu justice, et pourtant la matière est loin d’être épuisée.

Il n’y a rien à ajouter sous un certain rapport aux justes louanges qu’on a prodiguées à nos grands tragiques et à notre incomparable Molière ; mais il reste beaucoup à dire, surtout des premiers, en considérant sous leur imitation des formes de l’antiquité, imitation qu’on a exagérée, qu’ils se sont exagérée peut-être à eux-mêmes, le fond national, les sentimens modernes et contemporains. On a trop cherché Sophocle ou Euripide dans les tragédies de Racine ou de Voltaire, pas assez Versailles ou les encyclopédistes, et la Fronde chez Corneille. En outre, nous étendrons le cercle ordinaire des études dramatiques ; le berceau de notre théâtre, qui est celui du théâtre moderne, nous occupera. Nous fouillerons long-temps ces origines, où parmi les mystères, miracles, moralités, nous trouverons ce chef-d’œuvre de franche plaisanterie, la farce par excellence, la farce de l’Avocat patelin. Et plus tard, au-dessous de Molière, quelle abondance, quelle diversité de comédies pleines de sel et de gaîté, et Figaro la grande comédie révolutionnaire et Pinto l’excellente comédie historique et le piquant Théâtre de Clara Gazul !

En abordant l’histoire de l’épopée française, on se sent pris d’un certain effroi, d’un certain tremblement. C’est le district le plus mal famé de notre littérature. Nous sommes menacés de ne trouver dans ce désert de poésie, pour tout rafraîchissement, que des eaux troubles et fades, et pour tout abri que les pyramides du père Lemoine, la mer Rouge où Saint-Amand noyait sa poésie, ou les rochers dont Chapelain semait la sienne. Je sais que cette épopée pédantesque a eu des continuateurs jusqu’à nos jours, et mon effroi redouble quand je songe jusqu’où une pareille recherche pourrait nous entraîner. Faudra-t-il donc nous en tenir à la Henriade,