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LITTÉRATURE FRANÇAISE.

je vous ai montré l’idéal vers lequel je tendrai constamment. L’entreprise est vaste ; mais en vérité à quoi la jeunesse serait-elle bonne si ce n’était pas à former de vastes entreprises, à concevoir de hautes espérances ? Je compte d’ailleurs, messieurs, sur l’aide du temps et sur la vôtre ; et en ce moment je m’adresse à cette portion nombreuse de l’auditoire dont je me sens rapproché par l’âge et par des sympathies communes ; je lui demande de me continuer son bienveillant concours et sa cordiale assistance. Messieurs, nous avons long-temps à marcher ensemble ! soutenons-nous mutuellement, encourageons-nous les uns les autres dans cette route longue et quelquefois difficile où vous me permettrez de vous guider. L’étude est toujours un besoin pour l’homme ; il est des temps où elle est un devoir. Tel est le nôtre, nous sommes dans un entr’acte du grand drame social qui a commencé en 89, ou plutôt ce drame est comme la tragédie antique, dont la marche ne s’interrompait point ; seulement entre les péripéties et les catastrophes s’élevait la voix du chœur, toujours grave et mesurée, toujours harmonieuse et prophétique, tirant la moralité de ce qui était advenu, faisant pressentir ce qui approchait. C’est à nous, messieurs, de remplir l’office d’un chœur sérieux, afin qu’il n’y ait pas de lacune dans le grand drame ; que la voix de l’ame ne se taise point durant les intervalles de l’action ; que celle-ci se déroule dans sa majestueuse unité, et que les scènes du passé soient rattachées au dénouement de l’avenir.


J.-J. Ampère.