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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/461

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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

Le peuple, élevé tout à coup à une puissance mystérieuse par le succès des barricades, manifesta une exaltation triste d’autant plus alarmante, qu’elle n’avait aucun but déterminé. Les comtés du midi étaient épouvantés par des incendies nocturnes ; partout on parlait de secrets conciliabules dans le voisinage de Londres. À tout cela se joignait une cause plus sérieuse d’inquiétude : la baisse continuelle des fonds, qui, depuis plusieurs années, s’étaient maintenus à un taux à peine conciliable avec les calculs ordinaires d’intérêt.

Dans cette session, Brougham apparut sous un caractère nouveau. Jusque-là il avait toujours été envoyé aux communes par quelque noble de son parti, comme député d’un bourg pourri. Il avait plusieurs fois disputé sans succès la représentation du petit comté de Westmorland à une famille puissante (les Lowthers) ; maintenant il revenait comme en triomphe, sans sollicitations ni brigues, nommé par la grande majorité des électeurs du Yorkshire, la plus grande province de l’Angleterre. Il dénonça avec véhémence la tendance des ministres à maintenir les traités de Vienne contre la marche des événemens de France et de Belgique. Il les blâma de la résolution tardive qu’ils avaient prise d’empêcher le roi de visiter la Cité de Londres, à l’occasion de la fête annuelle du lord-maire, à laquelle il avait annoncé qu’il avait l’intention d’assister. Il les accusa d’abriter leur impopularité personnelle derrière la dignité du monarque. « Ils avaient peur, dit-il, que leur propre présence n’excitât la populace à quelque témoignage de désapprobation, et ils ne voulaient pas qu’il se montrât sans eux. »

Il annonça alors l’intention où il était de présenter bientôt un plan de réforme parlementaire. L’orage approchait évidemment, et les ministres pensèrent qu’il valait mieux sauver leur dignité et éviter la rencontre des grandes questions de politique nationale, en saisissant la première occasion de se démettre. Vaincus dans une discussion sur la liste civile dans laquelle Brougham prit une part active, tous les ministres, excepté un ou deux, donnèrent leur démission (nov. 1830). Ainsi finit ce singulier cabinet qui avait si long-temps rétrogradé pas à pas, tout en affectant de conserver une position stationnaire, et qui entrait en effet dans les mesures réclamées par le peuple, tout en protestant contre chacune d’elles.