Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
464
REVUE DES DEUX MONDES.

La chair a tout vaincu, l’ame n’est plus maîtresse.
Et l’homme n’est plus froid en cet emportement,
Car c’est la mer qui gronde en son lit écumant,
C’est le vent qui tournoie en hurlantes raffales,
C’est un troupeau fumant de bouillantes cavales,
C’est la fosse aux lions. — Malheur, hélas ! malheur
Au pied de l’apprenti qui n’a pas de vigueur !
Malheur au faible bras qui délaisse une taille !
Car c’en est fait, ici, comme au champ de bataille,
Le corps qui tombe est mort : au cri de l’expirant
Tout est sourd, et le père, et la mère, et l’enfant ;
Personne n’a d’entraille en ce moment terrible,
Et la ronde aux cent pieds, impitoyable, horrible,
Passera sur le corps, et sous ses bonds ardens
Sèmera le carreau de membres tout vivans.

iii.

Ô pudeur, ô vertu, douce et belle pensée !
Ô chevelure d’Ève, à longs flots dispersée !
Pudeur, voile divin et céleste manteau,
Déchire-toi devant cet ignoble tableau !
Et vous, de Terpsichore ô compagnes fidèles,
Ô filles d’Apollon, danseuses immortelles,
N’abaissez pas vos pieds sur nos planchers mesquins,
Où se ternirait l’or de vos beaux brodequins ;
Muses, restez aux cieux, car la plus grande peine
Qui pourrait affliger votre ame surhumaine,
Serait de voir encore à ces débordemens
Se mêler le flot pur de vos nobles amans.
Oui, ce serait de voir, sans respect pour soi-même,
L’artiste profaner sa dignité suprême,