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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

sion, inventées par l’esprit casuistique des anciens Romains pour se manifester de nouveau. Comme on s’était disputé à Constantinople sur le logos, on se bat à Rome pour les rapports des puissances temporelles et spirituelles ; là on s’attaque sur homousios, ici sur l’investiture. Mais les questions byzantines :

Si le logos est homousios à Dieu le père ?

Ou si Marie doit être appelée mère de l’homme ou mère de Dieu ?

Si le Christ manquant d’alimens devait mourir de faim, ou s’il n’avait faim que parce qu’il voulait avoir faim ?

Toutes ces questions ne s’appuyaient au fond que sur des intrigues de cour, et la solution dépendait de ce qui se passait à la sourdine dans les petits appartemens du palatii sacri, comme par exemple de savoir si Eudoxie devait tomber ou si c’était Pulchérie. Ce n’est rien autre chose, rien de plus. Cette dame hait Nestorius qui a révélé ses intrigues d’amour ; l’autre hait Cyrillus que protège Pulchérie ; tout se rapporte à des caquets de femmes et d’eunuques. Il y a un homme au fond de chaque question, et dans l’homme un parti qu’on sert ou qu’on poursuit. Les choses se passaient exactement ainsi en Occident. Rome voulait dominer. Quand ses légions succombaient, elle envoyait des dogmes dans les provinces. Toutes les discussions de croyances avaient des usurpations romaines pour bases. Il s’agissait de consolider la puissance suprême de l’évêque de Rome. Celui-ci était toujours très tolérant pour les articles de foi proprement dits, mais il vomissait feu et flammes dès qu’on touchait aux droits de l’église. Il ne disputait pas beaucoup sur les personnes en Jésus-Christ, mais beaucoup sur les conséquences des décrétales d’Isidore. Il centralisait son pouvoir par le droit canonique, par l’installation des évêques, par le rabaissement de l’autorité des princes, par des fondations d’ordres monastiques, par le célibat des prêtres, etc. Mais tout cela était-ce le christianisme ? L’idée du christianisme se révèle-t-elle à nous pendant la lecture de cette histoire ? Et cette idée, je le demande encore, quelle est-elle ?

En jetant un regard libre de préjugés dans l’histoire des Manichéens et des Gnostiques, on pourrait déjà découvrir, dans le premier siècle de l’ère chrétienne, comment cette idée s’est formée,