personne sans motif. Mais quand on se moquait de lui, ou lorsqu’on l’injuriait, il rendait le mal avec usure. Le comte Burchard de Luka ayant été tué par le comte Hermann de Wissembourg, et son pays se trouvant en danger de devenir la proie de ce dernier, Hudeken alla réveiller l’évêque Bernhard de Hildesheim dans son sommeil, et lui cria : « Lève-toi, tête chauve ! la comté de Wissembourg est abandonnée et vacante par le meurtre de son seigneur, et tu pourras facilement l’occuper. » L’évêque rassembla vitement ses gens d’armes, tomba sur les domaines du comte félon, et les réunit, avec l’assentiment de l’empereur, à son évêché. L’esprit avertit bien souvent ledit évêque de toutes sortes de dangers, et se montra souvent dans les cuisines du palais épiscopal, où il s’entretenait avec les marmitons, et leur rendait toutes sortes de services. Comme on était devenu très familier avec Hudeken, un jeune marmiton se permettait de le harceler et de lui jeter de l’eau malpropre chaque fois qu’il paraissait. Enfin l’esprit pria le maître-queue ou le principal cuisinier de défendre ces espiègleries à ce garçon mal courtois ; le maître-queue répondit : « Tu es un esprit, et tu as peur d’un pauvre gars ! » À quoi Hudeken répondit d’un ton menaçant : « Puisque tu ne veux pas châtier ce garçon, je te montrerai dans quelques jours si je le redoute ! » Bientôt après, le garçon qui avait offensé l’esprit, se trouva dormir tout seul dans la cuisine. L’esprit le saisit, le poignarda, le mit en pièces, et jeta tous les lambeaux de son corps dans les pots qui étaient sur le feu ; quand le cuisinier découvrit ce tour, il se mit à maudire l’esprit, et le jour suivant Hudeken gâta tous les rôts qui étaient à la broche, en y versant du venin et du sang de vipère. La vengeance porta le cuisinier à de nouvelles injures ; alors l’esprit l’entraîna sur un faux-pont enchanté, et le fit périr dans les fossés du château. Depuis ce temps, il passa les nuits sur les remparts et les tours de la ville, inquiétant beaucoup les sentinelles, en les forçant à faire une rigoureuse surveillance. Un bourgeois qui avait une femme infidèle, dit un jour en plaisantant, au moment de se mettre en voyage : « Hudeken, mon ami, je te recommande ma femme ; garde-la bien. » Dès que le bourgeois se fut mis en route, la femme déloyale fit venir tous ses amans les uns après les autres. Mais Hudeken n’en laissa pas approcher un seul, et les jeta tous du lit sur le plan-
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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.