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DE L’ALLEMAGNE DEPUIS LUTHER.

depuis le milieu du dernier siècle jusqu’à la révolution française. En Prusse, surtout, régnait une liberté de penser sans bornes. Le marquis de Brandebourg avait compris que lui, qui ne pouvait devenir roi légitime de la Prusse que par le principe protestant, devait maintenir la liberté de penser protestante. Depuis ce temps les choses ont changé, et le chaperon naturel de notre liberté protestante s’est entendu avec le parti ultramontain pour l’étouffer ; il a même traîtreusement fait servir à ses desseins une arme trouvée et tournée contre nous par le papisme : la censure.

Quelle bizarrerie ! Nous autres Allemands, nous sommes le plus fort et le plus ingénieux de tous les peuples. Les princes de notre race occupent tous les trônes de l’Europe, nos Rotschild gouvernent les bourses du monde entier, nos savans règnent dans toutes les sciences, nous avons inventé la poudre à canon et l’imprimerie, et cependant, quand quelqu’un de nous tire un coup de pistolet, il paie trois thalers d’amende, et quand un de nous veut faire insérer ces mots dans la Gazette de Hambourg : « Je préviens mes amis et connaissances que ma femme est heureusement accouchée d’un enfant beau comme la liberté ! » M. le docteur Hoffmann prend un crayon rouge et efface « la liberté. »

Cela durera-t-il encore long-temps ? Je n’en sais rien. Mais je sais que la question de la liberté de la presse, qu’on débat si violemment à cette heure en Allemagne, se lie significativement à toutes les questions que je viens de traiter, et je crois que la solution ne sera pas difficile, si l’on songe que la liberté de la presse n’est autre chose que la conséquence de la liberté de penser, et par conséquent un droit protestant. Or l’Allemagne a déjà versé son meilleur sang pour des droits de ce genre, et il se pourrait qu’elle fût appelée un jour, par cette même cause, à rentrer en lice.

Cette pensée est applicable à la question de liberté académique qui agite aussi vivement les esprits en Allemagne. Depuis qu’on a cru découvrir que c’est dans les universités que règne le plus d’excitation politique, c’est-à-dire d’amour de la liberté, on insinue de toutes parts aux souverains qu’il faut étouffer ces institutions ou du moins les changer en écoles ordinaires. De nouveaux plans sont apportés de toutes parts, et le pour et le contre discutés avec ardeur. Mais les adversaires avoués des uni-