Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/525

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
513
LES ROYAUTÉS LITTÉRAIRES.

même de l’invention, pour l’acuité du regard et l’étendue de l’horizon qu’il embrasse.

Cette tâche est belle, je ne veux pas le nier. Au début d’une école nouvelle, la critique admirative et sympathique peut aider puissamment à la réforme et à l’éducation de l’esprit public. En se résignant à l’enseignement quotidien des vérités qu’elle a surprises, en exprimant successivement, avec une sobriété contenue, avec une habile tempérance, dans un style limpide, les idées que le poète livre d’un seul coup aux esprits frivoles et inattentifs, elle rend à l’inventeur aussi bien qu’au lecteur un service incontestable.

Mais, après l’avènement définitif des idées nouvelles, quand le public instruit par ces leçons persévérantes n’a plus rien à deviner, quand le poète est sûr d’être compris, une tâche nouvelle commence pour la critique. Cette tâche, c’est l’application de la troisième méthode que nous avons précédemment indiquée. La première se rejetait dans le passé pour blâmer le présent ; la seconde s’en tenait au présent, et se bornait à l’expliquer ; la troisième explique le présent par le passé, mais elle va plus loin. Elle interroge l’avenir qui se prépare, elle prévoit les choses qui ne sont pas encore, en estimant sérieusement les choses qui se font. La critique rétrospective est frappée d’impuissance. La critique admirative est désormais inutile. La critique prospective a maintenant son rôle à jouer. Ce rôle n’est possible qu’après l’examen total, après la récapitulation sommaire, mais compréhensive, des hommes éminens qui sont aujourd’hui à la tête de la poésie française.

ii.

Parcourons ensemble, mon ami, le domaine entier de l’imagination, embrassons d’un regard toutes les gloires poétiques de la France, épelons les noms splendides et sonores qui depuis quinze ans ont pris place dans l’histoire ; quelle richesse, quel éclat et surtout quelle variété ! L’élégie, l’ode et la satire, qui jusqu’ici, si l’on excepte Régnier et André Chénier, n’avaient