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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/532

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REVUE DES DEUX MONDES.

Et puis le Pianto n’a-t-il pas répondu victorieusement à ceux qui accusaient la monotone beauté des Iambes ? N’y a-t-il pas dans cette tétralogie italienne de quoi réduire au silence ceux qui blâmaient, dans la force qu’ils ne pouvaient nier, la perpétuité de la tension musculaire ? Toute cette merveilleuse élégie respire une grâce virgilienne. Barbier nous a montré la campagne romaine avec la simplicité du Poussin. Le dialogue entre Salvator et Masaniello ne semble-t-il pas un fragment du poète sicilien retrouvé sur un palimpseste poudreux par la patiente érudition d’Angelo Maïo ? La grande figure d’Orcagna, dans le Campo Santo, la figure naïve de Bianca, dont le souvenir toujours présent plane encore sur les clochers de Venise déchue, l’une qui semble tracée avec la plume d’Alighieri, l’autre détachée d’une chronique amoureuse de Shakspeare, n’ont-elles pas marqué dans la manière du poète un renouvellement vigoureux, une métamorphose inattendue ?

Il s’est élevé contre le Pianto une objection grave ; on a dit : Ce n’est pas là l’Italie. Pise, Rome, Naples et Venise ne sont pas faites ainsi qu’il nous les montre. À la bonne heure ! Mais nous a-t-il montré de belles choses ? Oui ? Eh bien ! éprouvez maintenant par une méthode pareille le quatrième chant du Pélerinage, le chef-d’œuvre de Byron dans la poésie grave, et dites-nous si l’Italie de Byron est plus vraie que celle de Barbier ? Mon Dieu ! je ne suis pas loin de croire, en prenant la moyenne des récits les plus véridiques, que l’auteur de Lara est plus loin encore de la vérité que l’auteur du Pianto. Si le silence de Pise, les mascarades de Rome, la joie turbulente de Naples et les folles débauches de Venise ne se réfléchissent pas fidèlement dans l’élégie française, qui osera dire que la solennelle tristesse du Pianto anglais n’efface pas plus souvent encore les aspérités originales du paysage et l’individualité native des villes italiennes ?


J’arrive à votre nom, mon ami, qui n’est pas le moins glorieux de toute cette illustre famille. Je saisis avec empressement l’occasion publique qui m’est offerte de réfuter, une fois pour toutes, une accusation qui, pour être injuste, n’est pas moins douloureuse. Nul plus que moi n’admire, nul ne proclame plus volontiers