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contraires au système alexandrin, ils eurent recours aux hypothèses puériles que l’influence de la poésie grecque avait popularisées, ou que l’abus de la métaphysique et le dédain de l’observation avaient fait naître dans le cerveau des philosophes grecs. Forts de cette autorité, ils durent espérer que les païens ne se révolteraient pas contre des explications qui émanaient des sages de l’antiquité. Ils eurent recours à des emprunts du même genre pour expliquer la position du paradis terrestre, et le tableau des notions qu’ils firent valoir à l’appui de leurs idées à ce sujet est une des parties les plus curieuses, mais certainement une des moins connues de l’histoire des systèmes géographiques.

Tous ces vieux préjugés, tous ces vains systèmes que les progrès des sciences mathématiques dans l’école d’Alexandrie avaient à peine atteints, reparurent avec bien plus de force à l’abri de l’autorité des saints Pères ; ils firent une nouvelle invasion, et se répandirent partout à la suite du christianisme ; ils régnèrent pendant tout le moyen-âge. De là, les obstacles que les théologiens de Rome opposèrent aux progrès de la vraie philosophie et des sciences d’observation, en persécutant Galilée, en détruisant l’académie del Cimento, en faisant craindre à Descartes de se prononcer pour le mouvement de la terre, et en mettant le savant Tycho dans la nécessité de recourir à un système astronomique infiniment moins raisonnable que celui de Ptolémée. Mais enfin, lorsque les immortelles découvertes de Kepler, de Huyghens et de Newton eurent repoussé de proche en proche dans l’absurde toutes ces idées puériles qu’on avait défendues pied à pied comme orthodoxes, il fallut bien qu’en matière d’astronomie et de physique générale, l’autorité des opinions reculât devant l’évidence des faits.

De cette lutte opiniâtre d’où la raison humaine est enfin sortie victorieuse, il résulte un enseignement dont il faut profiter : c’est que les préjugés ne cessent de combattre que quand ils ont perdu l’espoir de vaincre ; cet espoir, ils le conservent tant que la vérité qui leur est contraire, bien qu’ayant acquis le caractère de l’évidence aux yeux des savans, n’est pas descendue dans tous les esprits. Mais lorsqu’il est devenu tout-à-fait impossible de s’y opposer sans danger, on finit par reconnaître comme orthodoxe, ou du moins comme indifférent à la foi, ce qu’on avait déclaré héréti-