Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
FANTASIO.

serez partie pour Mantoue avec votre robe de noce, et moi je serai encore sur ce tabouret avec mes vieilles chausses. Pourquoi voulez-vous que je vous en veuille ? je n’ai pas de raison pour désirer votre mort ; vous ne m’avez jamais prêté d’argent.

ELSBETH.

Mais si le hasard t’a fait voir ce que je veux qu’on ignore, ne dois-je pas te mettre à la porte, de peur de nouvel accident ?

FANTASIO.

Avez-vous le dessein de me comparer à un confident de tragédie, et craignez-vous que je ne suive votre ombre en déclamant ? Ne me chassez pas, je vous en prie. Je m’amuse beaucoup ici. Tenez, voilà votre gouvernante qui arrive avec des mystères plein ses poches. La preuve que je ne l’écouterai pas, c’est que je m’en vais à l’office manger une aile de pluvier que le majordome a mise de côté pour sa femme.

(Il sort.)
LA GOUVERNANTE, entrant.

Savez-vous une chose terrible, ma chère Elsbeth ?

ELSBETH.

Que veux-tu dire ? tu es toute tremblante.

LA GOUVERNANTE.

Le prince n’est pas le prince, ni l’aide-de-camp non plus. C’est un vrai conte de fées.

ELSBETH.

Quel imbroglio me fais-tu là ?

LA GOUVERNANTE.

Chut ! chut ! C’est un des officiers du prince lui-même qui vient de me le dire. Le prince de Mantoue est un véritable Almaviva ; il est déguisé, et caché parmi les aides-de-camp ; il a voulu sans doute chercher à vous voir et à vous connaître d’une manière féerique. Il est déguisé, le digne seigneur, il est déguisé comme Lindor ; celui qu’on vous a présenté comme votre futur époux n’est qu’un aide-de-camp, nommé Marinoni.

ELSBETH.

Cela n’est pas possible.

LA GOUVERNANTE.

Cela est certain, certain mille fois. Le digne homme est dé-