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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 1.djvu/77

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FANTASIO.

ELSBETH.

Entendez-vous cela, monsieur Fantasio ? vous avez fait manquer mon mariage.

LA GOUVERNANTE.

Seigneur, mon Dieu ! le prince de Mantoue s’en va, et je ne l’aurai pas vu !

ELSBETH.

Si la guerre est déclarée, quel malheur !

FANTASIO.

Vous appelez cela un malheur, altesse ? Aimeriez-vous mieux un mari qui prend fait et cause pour sa perruque ? Eh ! madame, si la guerre est déclarée, nous saurons quoi faire de nos bras ; les oisifs de nos promenades mettront leurs uniformes ; moi-même je prendrai mon fusil de chasse, s’il n’est pas encore vendu. Nous irons faire un tour d’Italie, et si vous entrez jamais à Mantoue, ce sera comme une véritable reine, sans qu’il y ait besoin pour cela d’autres cierges que nos épées.

ELSBETH.

Fantasio, veux-tu rester le bouffon de mon père ? Je te paie tes vingt mille écus.

FANTASIO.

Je le voudrais de grand cœur ; mais en vérité, si j’y étais forcé, je sauterais par la fenêtre pour me sauver un de ces jours.

ELSBETH.

Pourquoi ? Tu vois que Saint-Jean est mort ; il nous faut absolument un bouffon.

FANTASIO.

J’aime ce métier plus que tout autre ; mais je ne puis faire aucun métier. Si vous trouvez que cela vaille vingt mille écus de vous avoir débarrassé du prince de Mantoue, donnez-les-moi, et ne payez pas mes dettes. Un gentilhomme sans dettes ne saurait où se présenter. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de me trouver sans dettes.

ELSBETH.

Eh bien ! je te les donne ; mais prends la clé de mon jardin : le jour où tu t’ennuieras d’être poursuivi par tes créanciers, viens te