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plantée religieusement par les Fribourgeois à la place où leur compatriote était tombé, produisit l’arbre colossal qu’on y voit aujourd’hui.

Le clocher de l’église est un des plus élevés de la Suisse : il a trois cent quatre-vingt-six pieds de hauteur. — En général, il y a peu de ces monumens dans les Alpes ; depuis Babel, les hommes ont renoncé à lutter contre Dieu ; les montagnes tuent les temples : quel est l’insensé qui oserait bâtir un clocher au pied du Mont-Blanc ou de la Yungfrau ? — Le porche est l’un des plus ouvragés qu’il y ait en Suisse : il représente le jugement dernier dans tous ses détails : Dieu punissant ou récompensant les hommes que la trompette du jugement réveille, et que les anges séparent en deux troupes, et qui entrent séance tenante, la troupe des élus dans un château qui représente le paradis, la troupe des damnés dans la gueule d’un serpent qui simule l’enfer ; parmi les damnés il y a trois papes que l’on reconnaît à leur tiare. — Au-dessous du bas-relief on lit une inscription qui indique que l’église est sous l’invocation de saint Nicolas, qui témoigne de la foi que les Fribourgeois ont dans l’intercession du saint qu’ils ont choisi, et du crédit dont ils pensent que leur patron jouit près du Père éternel ; la voici :

PROTEGAM HANC URBEM ET SALVABO EAM PROPTER NICOLAUM SERVUM MEUM[1].

L’intérieur de l’église n’offre de remarquable qu’une chaire gothique d’un assez beau travail ; quant au maître-autel, il est dans le goût de la statuaire de Louis xv, et ressemble considérablement au Parnasse de M. Titon du Tillet.

Comme il commençait à se faire tard, nous remîmes au lendemain la visite que nous comptions faire aux autres curiosités de la ville.

Fribourg est la cité catholique par excellence : croyante et haineuse comme au xvie siècle. Cela donne à ses habitans une couleur de moyen-âge pleine de caractère. Pour eux, point de différence intelligente entre la papauté de Grégoire vii ou celle de Boni-

  1. Je protégerai et sauverai cette ville à cause de mon serviteur Nicolas.