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LEONE LEONI.

Nous allions ensuite nous promener dans la vallée, ou nous gravissions les montagnes. Nous prîmes peu à peu l’habitude de faire de longues courses, et chaque jour nous allions à la découverte de quelque site nouveau. Les pays de montagnes ont cela de délicieux, qu’on peut les explorer long-temps avant d’en connaître tous les secrets et toutes les beautés. Quand nous entreprenions nos plus grandes excursions, Joanne, notre gai majordome, nous suivait avec un panier de vivres, et rien n’était plus charmant que nos festins sur l’herbe. Leoni n’était difficile que sur le choix de ce qu’il appelait le réfectoire. Enfin, quand nous avions trouvé à mi-côte d’une gorge un petit plateau paré d’une herbe fraîche, abrité contre le vent ou le soleil, avec un joli point de vue, un ruisseau tout auprès, embaumé de plantes aromatiques, il arrangeait lui-même le repas sur un linge blanc étendu à terre. Il envovait Joanne cueillir des fraises et plonger le vin dans l’eau froide du torrent. Il allumait un réchaud à l’esprit de vin et faisait cuire les œufs à la coque. Par le même procédé, après la viande froide et les fruits, je lui préparais d’excellent café. De cette manière nous avions un peu des jouissances de la civilisation au milieu des beautés romantiques du désert.

Quand le temps était mauvais, ce qui arriva souvent au commencement du printemps, nous allumions un grand feu pour préserver notre habitation de sapin de l’humidité. Nous nous entourions de paravens que Leoni avait montés, cloués et peints lui-même. Nous buvions du thé, et tandis qu’il fumait dans une longue pipe turque, je lui faisais la lecture. Nous appelions cela nos journées flamandes. Moins animées que les autres, elles étaient peut-être plus douces encore. Leoni avait un talent admirable pour arranger la vie, pour la rendre agréable et facile. Dès le matin, il occupait l’activité de son esprit à faire le plan de la journée, à en ordonner les heures, et quand ce plan était fait, il venait me le soumettre. Je le trouvais toujours admirable, et nous ne nous en écartions plus. De cette manière, l’ennui, qui poursuit toujours les solitaires, et jusqu’aux amans dans le tête-à-tête, n’approchait jamais de nous. Leoni savait tout ce qu’if fallait éviter et tout ce qu’il allait observer pour maintenir la paix de l’ame et le bien-être du corps. Il me le dictait avec sa tendresse adorable, et soumise à lui comme l’es-