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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/241

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POÈTES FRANCAIS.

Jamais plus effroyable tentation n’aurait ébranlé la vertu, accusé la justice éternelle, insulté l’existence de Dieu ! »

« J’ai entendu faire ces raisonnemens, mais faut-il en conclure que le sceptre du 9 août va tout-à-l’heure se briser ? En s’élevant dans l’ordre universel, le règne de Louis-Philippe n’est qu’une apparente anomalie, qu’une infraction non réelle aux lois de la morale et de l’équité : elles sont violées, ces lois, dans un sens borné et relatif ; elles sont suivies dans un sens illimité et général. D’une énormité consentie de Dieu, je tirerais une conséquence plus haute, j’en déduirais la preuve chrétienne de l’abolition de la royauté en France ; c’est cette abolition même et non un châtiment individuel qui serait l’expiation de la mort de Louis xvi. Nul ne serait admis, après ce juste, à ceindre solidement le diadème : Napoléon l’a vu tomber de son front malgré ses victoires, Charles x malgré sa piété ! Pour achever de discréditer la couronne aux yeux des peuples, il aurait été permis au fils du régicide de se coucher un moment en faux roi dans le lit sanglant du martyr.

« Une raison prise dans la catégorie des choses humaines peut encore faire durer quelques instans de plus le gouvernement-sophisme, jailli du choc des pavés.

« Depuis quarante ans, tous les gouvernemens n’ont péri en France que par leur faute : Louis xvi a pu vingt fois sauver sa couronne et sa vie ; la république n’a succombé qu’à l’excès de ses crimes ; Bonaparte pouvait établir sa dynastie, et il s’est jeté en bas du haut de sa gloire ; sans les ordonnances de juillet, le trône légitime serait encore debout. Mais le gouvernement actuel ne paraît pas devoir commettre la faute qui tue ; son pouvoir ne sera jamais suicide ; toute son habileté est exclusivement employée à sa conservation : il est trop intelligent pour mourir d’une sottise, et il n’a pas en lui de quoi se rendre coupable des méprises du genre ou des faiblesses de la vertu.

« Mais après tout il faudra s’en aller : qu’est-ce que trois, quatre, six, dix, vingt années dans la vie d’un peuple ? L’ancienne société périt avec la politique chrétienne, dont elle est sortie : à Rome, le règne de l’homme fut substitué à celui de la loi par César ; on passa de la république à l’empire. La révolution se résume aujourd’hui en sens contraire ; la loi détrône l’homme ; on