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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 2.djvu/361

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PAROLES D’UN CROYANT.

des Pèlerins Polonais, par le poète Mickiewicz ; mais ce qui, chez Mickiewicz, était demeuré restreint à une acception trop nationale et trop exclusive, se trouve généralisé selon un esprit plus évangélique par M. de La Mennais, et rapporté à la vraie patrie, à la patrie universelle.

Littérairement, par cette œuvre, M. de La Mennais conquiert, à bon droit, le titre de poète. Le ton général, le mouvement est rhythmique à la fois et inspiré. L’imprévu se rencontre plutôt dans l’allure de la pensée que dans le détail de l’expression. Celle-ci est toujours correcte, propre, énergique, quelquefois un peu crue ; il y manque un certain éclat nouveau, et, si j’ose le dire, une sorte de flagrance. Ardet plus quàm lucet ; cela brûle plutôt que cela ne luit. En comparant le style des Paroles d’un Croyant avec celui de la Vision d’Hébal, on comprendra mieux la double nuance que je distingue. À la rigueur, et à ne s’en tenir qu’au détail de l’expression et à l’ensemble du vocabulaire employé, quelqu’un de Port-Royal aurait pu écrire en cette manière et peindre avec ces images. Mais la jeunesse, la nouveauté vive triomphe à tout moment par la pensée même ; la franchise du sentiment crée la beauté : ainsi, dans le chapitre de l’Exilé, « j’ai vu des jeunes hommes, poitrine contre poitrine, s’étreindre comme s’ils avaient voulu de deux vies ne faire qu’une vie, mais pas un ne m’a serré la main : l’Exilé partout est seul. »

Socialement, la signification de semblables œuvres est grande, et tant pis pour qui la méconnaît ! Nous donnions, il y a quinze jours, un mémorable fragment de M. de Chateaubriand sur l’Avenir du monde, où tous les mêmes importans problèmes sont soulevés, et où la solution s’entrevoit assez clairement dans un sens très analogue. M. de Lamartine a publié, il y a deux ans à peu près, une brochure sur la Politique rationnelle, dans laquelle des perspectives approchantes sont assignées à l’âge futur de l’humanité, et, bien qu’il semble y apporter, pour le détail, une moins confiante ardeur, ce n’est que dans le plus ou moins de hâte, et non dans le but, que ce noble esprit diffère d’avec M. de La Mennais. Béranger est, dès long-temps, l’homme de cette cause et des populaires promesses. Ainsi, symptôme remarquable ! tous les vrais cœurs de poètes, tous les esprits rapides et de haut vol, de quel-