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REVUE. — CHRONIQUE.

receviez incessamment de chacun des membres de la famille une somme égale.

« Quelle que puisse être ma situation, j’aurai soin qu’à l’avenir cette somme soit mise tous les ans à votre disposition pour le même objet.

Jérôme. »


— L’espace nous a manqué jusqu’à ce jour pour parler convenablement du beau roman de M. Sue, publié il y a quelques mois. Le grand succès de la Vigie de Koat-Ven rend cette omission encore plus frappante. Nous devons à M. Eugène Sue, qui est l’un de nos écrivains les plus spirituels, le romancier peut-être le plus pittoresque et le plus ingénieux de cette époque, un examen détaillé de son nouvel ouvrage ; nous nous y livrerons prochainement, en même temps qu’à une appréciation complète de son talent et de toutes ses œuvres. Cet article fera partie de la série des romanciers modernes de la Revue des Deux-Mondes.


De l’éducation des mères de famille, ou de la civilisation du genre humain par les femmes, par M. Aimé Martin[1]. — Depuis quelques années, l’attention des philosophes et de tous ceux qui s’occupent sérieusement du problème social s’est tournée sur la condition de la femme, sur les changemens de destinée auxquels elle était appelée, sur la fonction importante qu’elle aurait à remplir dans un ordre où l’on suppose que devront prévaloir l’égalité et la raison. Fénelon, qui fut un si hardi novateur sous des formes si insinuantes et si adoucies, avait donné le premier d’admirables conseils dont l’excellence n’a pas été surpassée ; la femme, telle qu’il l’élève et qu’il la forme, serait encore le plus achevé modèle et comme le trésor de la famille chrétienne. Après lui on n’a parlé différemment qu’en sortant plus ou moins du christianisme. Jean-Jacques, venu dans un siècle et dans un monde énervé et de mœurs factices, s’est épris, par contre-coup de génie, du culte de la nature ; il s’est créé sous ce nom un idéal romanesque qu’il a constamment opposé aux raffinemens de la société d’alors. Il l’a fait surtout avec une éloquence entraînante en ce qui concernait le rôle maternel des femmes. Elles répondirent par un cri d’enthousiasme, et cette impulsion sentimentale, due à la Nouvelle Héloïse et à l’Émile, s’est long-temps prolongée. De nos jours pourtant on a compris que, de même que toute saine politique n’est pas dans un état de nature antérieur, toute la destination sociale des femmes ne se découvre pas dans une vague idéalisation de ce mot nature.

  1. Chez Gosselin, rue Saint-Germain-des-Prés, 9.