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pencha pour mourir. Dieu, irrité de ta rébellion et de ton orgueil, posa sur ton front une main chaude de colère, et en un instant tes idées se confondirent, ta raison t’abandonna. L’ordre divin établi dans les fibres de ton cerveau fut bouleversé. La mémoire, le discernement, toutes les nobles facultés de l’intelligence, si déliées en toi, se troublèrent et s’effacèrent comme les nuages qu’un coup de vent balaie. Tu te levas sur ton lit en criant : — Où suis-je ? ô mes amis ! pourquoi m’avez-vous descendu vivant dans le tombeau ? —

Un seul sentiment survivait en toi à tous les autres, la volonté, mais une volonté aveugle, déréglée, qui courait comme un cheval sans frein et sans but à travers l’espace. Une dévorante inquiétude te pressait de ses aiguillons, tu repoussais l’étreinte de ton ami, tu voulais t’élancer, courir. Une force effrayante te débordait. — Laissez-moi ma liberté, criais-tu, laissez-moi fuir ; ne voyez-vous pas que je vis et que je suis jeune ? — Où voulais-tu donc aller ? Quelles visions ont passé dans le vague de ton délire ? Quels célestes fantômes t’ont convié à une vie meilleure ? Quels secrets insaisissables à la raison humaine as-tu surpris dans l’exaltation de ta folie ? Sais-tu quelque chose à présent, dis-moi ? Tu as souffert ce qu’on souffre pour mourir ; tu as vu ta fosse ouverte pour te recevoir ; tu as senti le froid du cercueil, et tu as crié : Tirez-moi, tirez-moi de cette terre humide !

N’as-tu rien vu de plus ? Quand tu courais comme Hamlet sur les traces d’un être invisible, où croyais-tu te réfugier ? à quelle puissance mystérieuse demandais-tu du secours contre les horreurs de la mort ? Dis-le-moi, dis-le-moi, pour que je l’invoque dans tes jours de souffrance, et pour que je l’appelle auprès de toi dans tes détresses déchirantes. Elle t’a sauvé, cette puissance inconnue, elle a arraché le linceul qui s’étendait déjà sur toi. Dis-moi comment on l’adore, et par quels sacrifices on se la rend favorable. Est-ce une douce providence que l’on bénit avec des chants et des offrandes de fleurs ? Est-ce une sombre divinité qui demande en holocauste le sang de ceux qui t’aiment ? Enseigne-moi dans quel temple ou dans quelle caverne s’élève son autel. J’irai lui offrir mon cœur quand ton cœur souffrira ; j’irai lui donner ma vie quand ta vie sera menacée.
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