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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

lui soit moralement personnel, rien qui, dans ma propre pensée, porte atteinte à l’estime que je lui ai toujours gardée, et que je lui garde aujourd’hui comme hier. Quant à l’administration de l’instruction publique, l’inamovibilité n’est pas concédée à ses membres ; l’inamovibilité implicite qui se trouve dans les statuts de l’université se rapporte aux fonctionnaires de l’enseignement, et non pas aux fonctionnaires de l’administration. Si l’on apportait à cette tribune des exemples de fonctionnaires de l’enseignement destitués, je serais le premier à les répudier ; mais pour les fonctionnaires de l’administration, pour les proviseurs, les inspecteurs généraux, les recteurs, la pratique et la jurisprudence nous prouvent qu’ils n’ont jamais eu le caractère d’inamovibilité. J’arrive à la question d’indépendance. Ce n’est plus ici une question universitaire seulement, c’est une question de politique générale. Je veux la liberté du vote, du vote personnel, mais du vote silencieux. Les exemples ne nous manqueraient pas ici comme au dehors pour prouver que telle est notre doctrine. Les honorables députés sur lesquels a porté la mesure que je défends, ne sont pas les seuls qui ont attaqué le gouvernement, ils sont pourtant les seuls qui aient été frappés. »

Malheureusement pour M. Guizot, au pied même de la tribune où il parlait, se tenaient deux autres députés, M. Duboys-Aimé et M. Dulong, qui s’écrièrent ensemble qu’ils avaient été destitués par le ministère pour crime de vote silencieux, et qui s’avancèrent comme un double démenti vivant aux paroles que venait de prononcer le ministre. Et ses propres paroles d’autrefois, ses cris jetés aux ministres de Charles x, qu’il voulait forcer d’écouter, sans se plaindre et sans sévir, les voix qui s’élèveraient de l’administration, du jury et de l’instruction publique pour accuser leur système, n’était-ce pas là un démenti encore plus fatal que des actions, répréhensibles sans doute, mais commises peut-être dans un de ces accès de fièvre de pouvoir, qui obscurcissent souvent l’esprit le plus juste et faussent les intelligences les plus saines ?

Il faut rendre justice à M. Guizot. On ne le trouve jamais incomplet. Il se livre au mal et au bien avec la même ardeur. En cette circonstance, ce n’est pas seulement le philosophe qui mit en oubli ses principes politiques les plus clairs et les plus arrêtés, le protestant rigide foula aux pieds cette maxime évangélique sur laquelle