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REVUE DES DEUX MONDES.

Fait son œuvre fatale, et puis sans calculer
Combien elles seront laides à contempler,
S’enfuit à toute hâte en emportant leurs ames.
Mais elle en agit mieux avec les jeunes dames,
Et quand elle a rempli son funèbre devoir,
Bien d’elles se pourraient regarder au miroir,
Tant elles ont de grâce et de béatitude,
Tant leur front est candide ; et j’ai la certitude
Que le corps d’un enfant n’est jamais aussi beau
Que lorsqu’il a vêtu sa robe du tombeau,
Et que si la plupart des femmes et des vierges
Pouvaient se contempler à la lueur des cierges
Avec le grand suaire et le bandeau de fleurs,
Elles se complairaient à ces douces pâleurs
Qui font le corps plus pur que l’albâtre et la neige.
Oui, si la jeune morte au milieu du cortége
Se levait, et passant la main dans ses cheveux,
Regardait autour d’elle, elle dirait : Je veux
Que vous ne pleuriez plus, ô mes chastes compagnes,
Car sachez qu’il n’est pas dans toutes les Espagnes
De femme, de comtesse ou de fille de roi
Qui soit en ce beau jour parée autant que moi.
Car si je n’ai pas d’or, de joyaux, ni de franges,
J’ai la robe qu’on met pour aller voir les anges ;
Et je suis assez belle ainsi pour espérer
Que le Christ va sourire en me voyant entrer.
Ma conscience est pure, et mon visage calme ;
Et je porte en mes mains, comme l’ange, une palme.

Le cardinal Rafaël.

O Sancta Maria !

Les autres.

O Sancta Maria ! Seigneur, qu’avez-vous donc ?

Le cardinal.

Malheur ! malheur à nous ! Ô mes frères, pardon
Si j’interromps ainsi vos cantiques de fête,
Mais daignez un instant regarder à la tête
De cette jeune enfant que vous glorifiez,
Et dites : Ces cheveux sont-ils sanctifiés
Par le second baptême annoncé par l’Église ?