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VOYAGES AUTOUR DU MONDE.

George, grâce à cette liaison, put vivre tranquille et mourir dans son lit, ce qui n’était arrivé à aucun de ses prédécesseurs. Dans ce pays-là, en effet, il était reçu qu’un roi ne pouvait pas être sujet aux mêmes infirmités que les autres hommes ; aussi, quand on le supposait atteint d’une maladie grave, on s’empressait de le dépêcher, et on sacrifiait en même temps deux esclaves qu’on enfermait dans son tombeau. Il paraît que jusque-là les rois s’étaient prêtés de bonne grâce à cette cérémonie, la considérant comme nécessaire au maintien de leur dignité ; mais le vieux George, qui s’était gâté par le contact avec les Européens, ne se montra pas aussi jaloux de l’honneur de la couronne. Il déclara la coutume absurde, et répéta si souvent qu’elle attirerait sur le pays la colère des Anglais, qu’il fallut s’en abstenir à son égard. Lorsqu’il mourut, au mois de mai 1826, on le disait âgé de plus de 100 ans.

D’après les usages du pays, il y avait toujours entre la mort du prince et la nomination de son successeur un certain intervalle pendant lequel les aspirans au trône s’efforçaient d’établir la légitimité de leurs titres, sauf à les faire prévaloir plus tard par la force. Les Anglais cette fois étaient trop intéressés dans le résultat de l’élection pour ne pas chercher à la diriger. Ils voulaient faire nommer un proche parent du roi George, connu parmi eux sous le nom de Macaulay Wilson, et qui avait vécu assez long-temps en Angleterre. Ils ne négligèrent rien pour disposer les esprits en sa faveur ; mais, quoique leur influence fut très puissante dans le Boulam, il n’était pas sûr que dans cette circonstance elle dût prévaloir sur celle des Mandingos. Le parti de ces derniers se composait de tous les hommes qui étaient musulmans ou qui penchaient vers l’islamisme, de ceux qui voulaient la continuation de la traite des esclaves, ou qui, par tout autre motif, voyaient avec déplaisir les Européens s’immiscer dans les affaires des nations africaines. En somme, après plusieurs mois d’intrigues, le succès était encore douteux, et les autorités de Sierra-Leone, qui voulaient éviter l’apparence de la violence, et cependant arriver à leurs fins, ne trouvèrent d’autre parti à prendre que d’envoyer sur les lieux un commissaire du gouvernement pour assister à l’élection et à l’installation du nouveau roi. Le lieutenant Mac Lean, qui avait été choisi pour cette mission, devait soutenir très ouvertement les prétentions de Macaulay Wilson, et laisser pressentir ce qui arriverait en cas qu’on fit un autre choix. Ses instructions, au reste, ne se bornaient pas à ce seul point, et l’élection terminée, la partie la plus difficile de sa tâche restait encore à remplir. Ce n’était rien moins que d’obtenir du roi et des grands du royaume qu’ils se reconnussent sujets de Sa Majesté Britannique, à qui la souveraineté du pays devait être cédée sous certaines conditions et réserves stipulées dans un acte dressé à l’avance.