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HOMMES D’ÉTAT DE L’ANGLETERRE.

stance augmenta sa déconsidération. Au moment où l’acte d’émancipation fut passé, un autre bill autorisa le lord-lieutenant à supprimer toutes les associations qui lui paraîtraient dangereuses au repos de l’état : acte d’autorité presque arbitraire, il faut l’avouer, et qui ne peut trouver sa justification que dans la situation critique de l’Irlande. Dans l’hiver de 1829, une proclamation du duc de Northumberland signée « Henri Hardinge, » secrétaire d’état d’Irlande, anéantit une des nombreuses sociétés formées sous la direction d’O’Connell. Je ne sais quel sujet spécial de mécontentement le grand agitateur pouvait avoir contre M. Hardinge ; mais, dans cette occasion, il se crut autorisé à le traiter de la manière la plus outrageante : il l’appela « soldat de fortune, enfant trouvé de la guerre et du hasard, misérable petit officier anglais, écrivain vénal et ridicule. » Hardinge, qui a long-temps fait la guerre avec distinction, crut devoir lui demander compte de ces étranges épithètes. C’était agir en vieux militaire, O’Connell lui répondit en avocat. Il chercha un asile à l’abri du vœu solennel qu’il avait formé, disait-il, et du duel que nous avons raconté. Son refus obstiné de donner satisfaction de ses paroles, lui fit le plus grand tort dans le public, et pendant quelque temps on remarqua qu’il mettait plus de modération dans son langage.

En 1830, O’Connell représenta au parlement le comté de Waterford. Lorsque les whigs arrivèrent au ministère, on crut que l’opposition d’O’Connell allait s’adoucir, et qu’il se rapprocherait peu à peu d’un gouvernement favorable sous plusieurs rapports au parti catholique d’Irlande. Le contraire arriva : O’Connell redoubla de véhémence, comme s’il eût craint que ses anciens acolytes n’usurpassent une partie de sa popularité. Le voilà donc tout occupé à les noircir. Durant ce mémorable hiver, il s’éleva contre le cabinet avec plus de virulence que jamais.

Dublin offrit alors le spectacle vraiment remarquable d’une lutte entre un particulier, d’une part, et un gouvernement tout entier, de l’autre. Le combat s’engagea noblement du côté de Daniel O’Connell. Il n’excita point aux violences et au désordre le peuple ou l’armée. Il se contenta d’adresser des discours à ceux-ci, à ceux-là des proclamations. Le marquis d’Anglesey était alors lieutenant du roi. Le secrétaire irlandais était un homme remarquable,