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BELLA UNION.

dans l’intérieur du temple rien qui mérite une description particulière.

Bientôt le deuil fit place à l’allégresse. Le dimanche de Pâques, nous fumes réveillés de grand matin par des salves d’artillerie auxquelles succéda le carillon d’une douzaine de cloches élevées provisoirement sur des piquets, et de tous côtés les danses et les jeux commencèrent. Un seul de ces derniers me frappa. Sur la place principale, on avait construit un cirque où eurent lieu des courses à pied et à cheval et un simulacre de combats à la manière indienne. Deux partis, représentant deux nations ennemies, s’étaient placés, l’un en dedans, l’autre en dehors de l’arène. Les guerriers, suivant l’usage des Indiens, étaient accompagnés de leurs femmes et de leurs enfans. Des hérauts entrèrent dans le cirque, sonnèrent de la trompette, et firent à trois fois une espèce de déclaration de guerre. Aussitôt la bande ennemie pénétra dans l’enceinte et en fit le tour de toute la vitesse des chevaux. L’autre parti la poursuivit, chacun s’attachant particulièrement à un adversaire qui, lorsqu’il se voyait atteint, se défendait en faisant le moulinet avec la lance dont il était armé. Pour qu’il fût censé prisonnier, il fallait saisir la bride de son cheval, et l’empêcher de sauter à terre et de s’enfuir à pied, ce qui arriva souvent dans le cours de la bataille. Les femmes des vaincus donnaient des signes d’une frayeur extrême, et, traînant leurs enfans à leur suite, faisaient des efforts inouïs pour s’échapper. Les cavaliers, sans autre costume qu’un caleçon, et montés à poil sur leurs chevaux, semblaient, comme les anciens centaures, ne faire qu’un avec ces derniers, et prenaient à chaque instant mille postures diverses. Souvent, dans le cours des évolutions, le coursier glissait sur le sable humecté par une pluie de la veille, et s’abattait ; mais toujours le cavalier, sautant de côté, se trouvait debout sur les pieds, et, prompt comme l’éclair, s’élançait de nouveau sur sa monture avant d’avoir été atteint.

Pendant le cours des cérémonies religieuses et des réjouissances, j’eus plus d’une fois occasion d’observer avec regret combien ce peuple avait dégénéré depuis que la barrière que les missionnaires avaient élevée entre lui et les autres nations avait été brisée. L’Indienne, après s’être abandonnée à la douleur pendant toute la semaine sainte, les yeux encore mouillés de larmes, ne pouvait résister à l’offre séduisante d’une croix en cuivre ou d’un ticholo[1]. Les pénitens, et Jésus-Christ lui-même, que j’avais cru mort ou du moins mourant de ses blessures, profitèrent de quelques réaux dus à la générosité de leurs compatriotes pour réparer

  1. Espèce de confiture enveloppée dans de la paille de maïs.