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même à force de soins. C’est une composition très habile, et qui vaudrait mieux, je crois, si elle visait moins haut.


La Mort de Duguesclin, de M. Tony Johannot, quoiqu’elle ne présente pas une seule partie aussi curieusement achevée que plusieurs morceaux de sa toile de l’année dernière, est cependant un ouvrage d’une valeur plus sérieuse. La pantomime du guerrier est grave et bien sentie. Sa main débile, en serrant son épée, semble prier Dieu de lui donner un digne successeur. Les figures groupées autour du lit du mourant sont recueillies et pieuses comme elles doivent l’être. J’ai surtout distingué un page aux blonds cheveux, dont la douleur est pleine d’un religieux frémissement ; il semble qu’il s’étonne que Dieu reprenne à la France un héros tel que Duguesclin. Toute cette composition est très bien entendue. Je ne blâme pas le reflet azuré qui se projette sur les figures ; mais je regrette que les vêtemens et les armures dont la couleur est bien choisie, et qui se fondent dans une gamme harmonieuse, n’aient pas pris sous le pinceau un relief plus saisissant et plus décidé. Est-ce le temps, est-ce la volonté qui a manqué ? Je ne sais. Ici les détails ne nuisent pas à l’ensemble ; l’unité se comprend au premier regard ; mais il manque à l’achèvement des parties une persévérance plus soutenue.


Ce que j’ai dit de M. E. Champmartin l’année dernière, je me vois forcé de le dire encore cette année. C’est toujours la même élégance et la même facilité, mais toujours aussi la même insuffisance et la même tricherie dans l’exécution. Un portrait de femme, dans le salon carré, a plusieurs qualités du premier ordre. La tête est finement modelée ; les lignes de la bouche et des orbites sont pures et précises ; mais le cou et les épaules ne sont pas étudiés avec la même conscience que le visage, et puis les étoffes sont lourdes. Le Fils du duc Decazes est bien posé ; la tête est jeune, vivante, accentuée ; le vêtement a de la grâce ; pourquoi sa main est-elle si molle, si passée, si indécise ? Pourquoi n’y a-t-il ni phalanges, ni contours ? Entre tous les portraits de M. Champmartin, celui que je préfère cette année, c’est un portrait d’enfant, à cheveux blonds, en gilet clair, avec une colerette de mousseline. La tête est délicate et transparente ; les yeux sont vifs et joyeux ; les