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Laval par exemple, la nomination ministérielle entraînait une faveur plus marquante. On consentait à accorder deux pièces de canon de quatre à la compagnie d’artillerie de la garde nationale. Il est des communes où l’on promettait même, à ce prix, de donner des fusils aux gardes nationaux ; mais ce n’était là sans doute qu’une promesse. À Valenciennes, où le ministère demandait pour député M. d’Haubersaert, M. Thiers s’était engagé à envoyer en échange trois étalons. À Béziers, pour obtenir M. Viennet, on se contentait de donner des dessins, des plâtres et des livres à la bibliothèque, peut-être les œuvres de M. Viennet ! À Strasbourg, au moins l’appât était plus grand. Une dépêche télégraphique, transmise la veille des élections, annonça que le ministre de l’intérieur avait accordé 10,000 francs pour terminer les travaux de curage de l’Ill, depuis Strasbourg jusqu’à l’embouchure du Rhin, afin que les bateaux à vapeur pussent arriver de Cologne. En d’autres localités moins importantes, on se borna à envoyer ou à promettre des statues, quelques fonds pour l’instruction publique, l’autorisation d’élever une fontaine, ou d’abattre quelques arbres qui encombraient la voie publique. On sait ce que M. Thiers avait promis pour sa propre nomination aux électeurs du cinquième arrondissement. C’est tout au plus si l’on peut dire de l’élection de M. Thiers ce que disait Vespasien du produit net d’un certain impôt.

À ces causes, encore bien inaperçues d’un changement dans le cabinet, se joint une question particulière qui embarrasse le ministère. On a beaucoup traité de l’affaire d’Alger, dans le conseil, pendant cette semaine. On se souvient, et nous avons déjà parlé d’une promesse verbale qui avait été emportée par M. de Talleyrand, au sujet d’Alger, lors de son premier départ pour son ambassade. M. de Talleyrand n’avait pu emporter que la promesse bien vague d’évacuer Alger, et cela, grâce à M. Molé, alors ministre des affaires étrangères. M. Molé, homme calme et posé, qui apporte avant tout dans les affaires le coup-d’oeil d’une saine expérience, ne s’était pas enflammé d’ardeur pour une colonie si mal administrée jusqu’à ce jour, et à charge à la France, sans doute par le fait même de cette mauvaise administration. Cependant, M. Molé déclara qu’il donnerait sa démission plutôt que de consentir à l’évacuation d’Alger, demandée formellement par M. de Talleyrand, au nom de l’Angleterre. M. Molé se fondait avec raison sur la défaveur qui rejaillirait pour le gouvernement de l’abandon d’une conquête qu’il n’avait pas faite, et qui lui avait été léguée par la restauration. « Si le ciel vous envoie quelques occasions d’acquérir de la gloire militaire, disait M. Molé, alors, alors seulement, vous pourrez songer à abandonner Alger ; mais jusque-là il est impossible d’y penser. Ce qui serait alors peut-être un acte de sagesse, ne serait aujour-