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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

c’était profaner leur personne, lui enlever le privilège de la consécration, et suspendre ses droits à la souveraineté ; suspension que l’usage limitait par tolérance au temps nécessaire pour que les cheveux croissant de nouveau eussent atteint une certaine mesure. Un prince Merowingien pouvait subir de deux façons cette déchéance temporaire ; ou ses cheveux étaient coupés à la manière des Franks, c’est-à-dire à la hauteur du col, ou bien on le tondait très court, à la mode romaine, et ce genre de dégradation, plus humiliant que l’autre, était ordinairement accompagné de la tonsure ecclésiastique. Telle fut la décision sévère prise par le roi Hilperik à l’égard de son fils ; le jeune homme perdit du même coup le droit de porter les armes et le droit de régner. Il fut ordonné prêtre malgré lui, au mépris des canons de l’église, et contraint de se dépouiller de toutes les pièces de son costume national pour revêtir l’habit romain de couleur noire qui était le costume du clergé[1]. Merowig reçut l’ordre de monter à cheval dans cet accoutrement si peu d’accord avec ses goûts, et de partir aussitôt pour le monastère de Saint-Calais près du Mans, où il devait se former, dans une complète réclusion, aux règles de la discipline ecclésiastique. Escorté par des cavaliers armés, il se mit en route sans espoir de fuite ou de délivrance, mais consolé peut-être par ce dicton populaire fait pour les membres de sa famille victimes d’un sort pareil au sien : « Le bois est encore vert, les feuilles repousseront[2]. »

Il y avait alors dans la basilique de Saint-Martin de Tours, le plus respecté des asiles religieux, un réfugié que le roi Hilperik cherchait à en faire sortir, afin de mettre la main sur lui. C’était l’Austrasien Gonthramn-Bose, accusé par le bruit public d’avoir

    honoris prærogativa regio generi apud eos tribuitur. Subditi enim orbiculatim tondentur. Ex Agathæ historià ; apud Script, rerum francic., tom. ii, pag. 49.

  1. Post hæc Merovechus, cùm in custodiâ à patre retineretur, tonsuratus est, mutatâque veste, quâ clericis uti mos est, presbyter ordinatur. Greg. Turon. Hist., lib. v, pag. 289.
  2. Et ad monasterium Cenomannicum, quod vocatur Aninsula, dirigitur, ut ibi sacerdotali erudiretur regula. Ibid.In viridi ligno hæ frondes succisæ sunt, nec omninò arescunt, sed velociter emergent ut crescere queant. Ibid. lib. ii, pag. 185.