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de lui que jamais il n’avait fait de serment à un ami, sans le trahir aussitôt après ; et c’est de là probablement que lui venait son surnom germanique[1]. Dans l’asile de Saint-Martin de Tours, au lieu de mener la vie habituelle d’un réfugié de distinction, c’est-à-dire de passer le jour à boire et à manger sans s’occuper d’autre chose, le duc Gonthramn était à l’affût de toutes les nouvelles, et s’informait du moindre événement pour tâcher de le mettre à profit. Il apprit d’une manière aussi prompte qu’exacte les mésaventures de Merowig, son ordination forcée et son exil au monastère de Saint-Calais. L’idée lui vint de bâtir sur ce fondement un projet de délivrance pour lui-même, d’inviter le fils de Hilperik à venir le joindre pour partager son asile, et s’entendre avec lui sur les moyens de passer tous deux en Austrasie. Gonthramn-Bose comptait par là augmenter ses propres chances d’évasion, de celles beaucoup plus nombreuses que pourrait trouver le jeune prince dans le prestige de son rang et le dévouement de ses amis. Il confia son plan et ses espérances à un diacre d’origine franke, nommé Rikulf, qui se chargea, par amitié pour lui, d’aller à Saint-Calais, et d’avoir, s’il était possible, une entrevue avec Merowig[2].

Pendant que le diacre Rikulf s’acheminait vers la ville du Mans, Gaïlen, jeune guerrier frank, attaché à Merowig par le lien du vasselage et par la fraternité d’armes, guettait aux environs de Saint-Calais l’arrivée de l’escorte qui devait remettre le nouveau reclus aux mains de ses supérieurs et de ses geôliers. Dès qu’elle parut, une troupe de gens postés en embuscade fondit sur elle avec l’avantage du nombre, et la contraignit à prendre la fuite en abandonnant le prisonnier confié à sa garde[3]. Merowig, rendu à la liberté, quitta avec joie l’habit clérical pour reprendre le cos-

  1. Bose, en allemand moderne Bœse, signifie malin, méchant. Voy. la 2e lettre. — Verumtamen nulli amicorum sacramentum dedit, quod non protinùs omisisset. Greg. Turon. hist., lib. v, pag. 241.
  2. Hæc audiens Guntchramnus Boso, qui tunc in basilicâ Sancti-Martini, ut diximus, residebat, misit Riculfum subdiaconum, ut ei consilium occultè præberet expetendi basilicam Sancti-Martini. Greg. Turon., pag. 239.
  3. Ab aliâ parte Gailenus puer ejus advenit. Cùmque parvum solatium qui eum ducebant haberent, ab ipso Gaileno in itinere excussus est. Greg. Turon. hist., ibid.