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contour semblable à celui qu’un savant constructeur donne au fond d’un vaisseau de charge… Il pose ensuite les planches, et les attache aux longues poutres placées d’espace en espace. » Ulysse se hasarde sur cette frêle embarcation pour revoir sa chère Ithaque ; mais le courroux de Neptune la brise et la disperse. C’est un magnifique navire phéacien, conduit par cinquante rameurs, qui ramène Ulysse aux foyers paternels ; le génie de l’humanité n’en était pas demeuré long-temps à l’informe radeau sur lequel s’était d’abord hasardé le fils de Laërte dans son impatience d’échapper à Calypso.

L’invention de l’aviron aplati par le bout, qui donna une facilité nouvelle à guider ces premières embarcations, celle de l’hameçon et de la ligne, qui donna un but d’utilité à ces courses maritimes, attirèrent de jour en jour, sur mer, un plus grand nombre de navigateurs encore novices. Tyr s’essayait de la sorte à prendre possession de l’élément où elle devait dominer, de cette mer qu’elle devait couvrir un jour de ses flottes. Ce sont les premiers efforts du jeune aigle aux environs de son aire.

Les troncs d’arbres équarris du radeau que nous venons de décrire étant sujets à se disjoindre, pour remédier à cela, on les lie plus fortement entre eux au moyen d’un second plancher, plancher inférieur et plongeant dans l’eau ; on unit ensuite les deux planchers par des planches et des bordages, dans le but de rendre la marche du radeau plus facile, en empêchant l’eau de pénétrer entre les poutres qui le forment. On a dès lors une masse flottante, où les vides et les pleins se combinent en proportions diverses ; on l’arrondit, on l’effile par les extrémités, pour lui donner la facilité de fendre les flots avec plus de rapidité. Plus tard, on supprime le plancher supérieur, dont l’élévation ne défendait qu’imparfaitement le pilote contre la vague, et le navigateur fut porté par le plancher du fond. Relevez alors quelque peu par la pensée les côtés de cette informe embarcation ; recourbez, à leurs extrémités, celles des poutres qui se trouvent perpendiculaires à l’axe du bateau, et vous aurez construit, dans ses parties essentielles, le navire de l’antiquité ; vous aurez sous les yeux ce vaisseau qui lui sembla trop merveilleux pour être sorti des mains et du génie de l’homme, et dont elle attribua l’invention aux Dioscures.