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La flotte des Perses, composée de douze cents gros vaisseaux, surpassait de cinq ou six fois celle des Grecs. Le peu de largeur de la passe préservait ces derniers du danger d’être enveloppés ; mais, au moment où les deux flottes vont s’aborder, un vent de mer soulève les vagues avec impétuosité à l’entrée du détroit. Les galères grecques, longues et faciles à manœuvrer, se jouent de la tempête, glissent avec agilité sur les flots amoncelés, et voltigent à l’entour des lourds vaisseaux des Perses qui demeurent immobiles, ou bien, roulant, tanguant au gré des vents et de la mer, ne peuvent se dérober par la moindre manœuvre à la grêle de traits dont l’ennemi les accable, à l’éperon d’acier qui sans cesse menace leurs flancs. Ils se heurtent, s’embarrassent, se brisent les uns contre les autres, laissant aux Grecs cette victoire que Simonide appelle la plus éclatante qui ait jamais été remportée. Xercès n’aura gravi une montagne élevée qu’afin d’apercevoir mieux, et de plus haut, toute l’étendue de son désastre ; les quatre secrétaires dont il s’est entouré n’auront servi qu’à enregistrer plus exactement toute la honte de sa défaite. Mais dans la balance où ont été pesées les destinées de l’Orient et celles de l’Europe, qui l’a emporté sur la puissance du grand roi entraînant à sa suite l’Asie tout entière ? Le génie de Thémistocle, et plus encore peut-être le génie d’un obscur charpentier de Corinthe !

Toutefois, qu’il s’en faut que les galères d’Aminoclès aient atteint les dernières limites du perfectionnement des constructions navales ! Elles ne sont bientôt elles-mêmes qu’un point de départ pour de nouveaux perfectionnemens ; elles ne sont qu’un germe dont la fécondité se développe presque immédiatement.

Chacune des rames donnant le mouvement à la galère corinthienne, n’était maniée que par deux bras, que par un seul rameur. Thucydide, en rendant compte d’une opération de la guerre du Péloponèse, en fournit une irrécusable preuve : « On résolut, dit-il, que chaque matelot, prenant sa rame, irait par terre de Corinthe jusqu’à la mer qui regarde Athènes. » Or, en raison de leur longueur et de leur poids, les rames de l’étage supérieur devaient être difficilement maniables, dans les gros temps surtout, par la force qui leur était appliquée ; d’autres rames, plus longues et