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REVUE. — CHRONIQUE.

Hook saisit avec un merveilleux talent ; mais sa verve humoristique est si anglaise, les travers auxquels il fait allusion nous appartiennent si exclusivement, que je ne sais si ses œuvres ne seraient pas des énigmes pour vous : vous n’êtes pas initiés aux mystères de l’école nommée École de la fourchette d’argent (Silver-fork-school). Horace Smith, homme d’esprit, qui a concouru à la rédaction des piquantes parodies intitulées Rejected Adresses, vient de publier un assez bon roman, Gale Middleton, et M. Andrew Picken, l’un des nombreux imitateurs de Walter Scott, the Black Watch, ouvrage assez distingué.

Mais le grand succès, en fait de romans nouveaux, appartient sans contredit à Trevelyan, Le but en est moral ; il s’agit de prouver la nécessité de principes fixes et d’une bonne éducation pour les femmes. Tout le monde convient de cela ; mais dans une société comme la nôtre, le difficile est d’inculquer ces principes et de donner cette éducation.

Quoiqu’il en soit, Trevelyan, homme à la fleur de l’âge et très honorable, reçoit d’un de ses amis, qui meurt dans ses bras, le soin de veiller sur une fille naturelle de cet ami. Tuteur de la jeune fille, il devient amoureux de sa pupille ; rien de plus naturel ; sa pupille l’aime, ce qui est encore fort ordinaire. Un plus jeune amant se présente, un amant moins grave, moins penseur, moins grondeur, qui se fait aimer à son tour, et que l’héroïne épouse. Tout cela est dans l’ordre des choses communes.

Délaissée par son mari, assez mauvais sujet, elle pense bientôt à la vengeance, arme favorite des femmes ; et, pour que cette vengeance soit éclatante, elle se laisse enlever. Mais à peine la chaise de poste a-t-elle roulé pendant l’espace de quarante milles, le repentir la saisit : elle se sauve, se réfugie dans une auberge isolée ; et bientôt, abandonnée du monde entier, elle a recours à la générosité de son tuteur. Trevelyan s’est marié. Il occupe dans le monde une place honorable. Il reçoit le message de l’héroïne, vole à son secours, parvient à lui ramener son mari qui lui pardonne et prend son parti, comme cela arrive quelquefois. Mais ce qui n’arrive pas toujours, c’est que la jeune personne meurt de chagrin dans une auberge. Vous voyez que cette fabulation ne se distingue ni par une grande nouveauté, ni par une énergie bien dramatique. L’auteur s’est sauvé par les détails : on s’intéresse à la lutte de Trevelyan contre lui-même ; il n’a pas cessé un instant d’aimer sa pupille, et sa passion, ses combats, le danger de la première entrevue qu’il a avec elle après son mariage, tout cela est peint de main de maître. L’auteur est une femme qu’il ne m’est point permis de nommer. Le temps soulèvera bientôt sans doute le voile sous lequel se cache sa modestie.

Walter-Savage Landor, homme de talent que vous connaissez peu