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plaisant à noter les différens climats qu’un navire peut traverser en un petit nombre de jours, en suivant une route alors fréquentée, s’exprime ainsi : « Des Palus Méotides, où habitent les Scythes, parmi les glaces, il vient souvent à Rhodes, en dix jours, des navires de charge, poussés par un bon vent ; quatre jours leur suffisent pour se rendre de là à Alexandrie, d’où ils peuvent arriver en Éthiopie au bout de dix autres jours. En moins de vingt-cinq jours ils ont donc passé des régions les plus froides aux plus brûlans climats. » Et aussi que de peuples, que de nations, que de races, que de civilisations diverses, avaient traversé le vaisseau arrivé au terme d’un tel voyage !

Par ces faciles communications, beaucoup des fausses idées qu’on s’était faites sur la situation respective de certaines contrées, sur les mœurs et les usages de leurs habitans, furent successivement rectifiées. Le nord, et peut-être une partie de l’intérieur de l’Afrique, furent aussi bien connus, mieux même qu’ils ne le sont aujourd’hui. Il en fut de même de la plus grande portion de l’Europe et de l’Asie. Mais au-delà, cependant, d’une certaine limite, partout se retrouvait la confusion des idées, partout reparaissait l’empire des fables. Au midi, à l’est de l’Afrique, les géographes plaçaient toute une multitude de peuples aux mœurs, aux usages les plus bizarres, les uns ne vivant que de poisson, d’autres que de tortues, d’autres que d’éléphans, d’autres que de sauterelles, ceux-ci étranglant annuellement leurs vieillards, à heure et à jour fixes, ceux-là périssant inévitablement à un âge donné, par la génération d’une foule d’insectes ailés qui naissaient tout à coup de leur propre sang. Au nord de l’Asie, c’étaient les Scythes, dont l’histoire était toute pleine de prodiges et de merveilles ; plus au nord encore, les Amazones, femmes guerrières, efféminant les hommes, et dont l’histoire tout entière n’était peut-être elle-même qu’un mythe ; au-delà, dans la même direction, l’île des Hyperboréens, tous prêtres du soleil, visités tous les dix-neuf ans par Apollon en personne ; puis, au midi, une île découverte par un nommé Yambule, et dont les habitans, presque immortels, se trouvaient doués, d’après les récits de ce voyageur, des plus étranges facultés : leur langue, fendue en deux, de la racine à la pointe, leur donnant, par exemple, la possibilité de parler deux langages divers à la fois, de soutenir en